Don de soi, don de loi : Partie II

  • 05 décembre 2017
  • Simon Bouthillier, président de la section des Étudiants et des étudiantes de l’ABC-Québec

Reportages sur l’implication d’étudiants en droit au sein de leur communauté

On fait souvent miroiter aux étudiants en droit des salaires mirobolants ainsi que des carrières en complets et tailleurs, mais certains étudiants sont davantage mus par un souhait de contribuer à l’évolution de leur communauté et cherchent à utiliser leurs connaissances juridiques au profit de la collectivité.

Voici la première partie d’une série de trois entretiens avec des étudiants en droit impliqués au sein de leur communauté. Aujourd’hui, je vous présente Suzanne Zaccour, autrice[1] féministe, diplômée de la Faculté de droit de l’Université McGill et de l’Université de Toronto, membre de l’ABC-Québec, et étudiante à la maîtrise à Cambridge.

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Suzanne Zaccour a toujours été très intéressée par la question féministe. C’est à force de lire des blogues sur internet qu’elle a décidé de commencer la rédaction du sien. Et le lectorat a été au rendez-vous. Son blogue De colère et d’espoir, qui a maintes fois été censuré par les réseaux sociaux, recense aujourd’hui près de 300 000 visites. Ce n’était que le début d’une carrière d’autrice fructueuse pour celle qui est aujourd’hui à la maîtrise en droit à Cambridge.

Il y a quelques mois, avec son ancien camarade de la Faculté de droit de l’université McGill, Michael Lessard, elle a fait paraître le Dictionnaire critique du sexisme linguistique. Les deux collègues ont réuni une trentaine de femmes autour de ce recueil, où chacune y rédige une définition critique d’un mot issu du lexique féministe. Cette parution s’ajoute à la Grammaire non sexiste de la langue française : le masculin ne l'emporte plus ! que les deux ami.e.s[2] ont fait publier en août dernier. L’ouvrage propose de nouvelles normes grammaticales pour supplanter les règles d’accord actuelles, qui seraient le fruit d’une approche patriarcale de la langue. Ces publications s’ajoutent aux nombreuses lettres d’opinion qu’elle a rédigées et signées dans les journaux.

Pourquoi écrire? L’objectif de Suzanne est clair : « je souhaite motiver les gens à s’impliquer également pour faire évoluer la collectivité, ou, à tout le moins, les pousser à ne pas perpétuer des oppressions. » Pour elle, cela implique notamment le fait de prendre conscience de l’impact des mots puisque l’égalité passe également par le langage.

Suzanne est convaincue qu’il revient aux étudiant.e.s en droit une responsabilité importante de par leur position privilégiée et part leurs connaissances sur le milieu juridique. Elle rapporte d’ailleurs ne pas recevoir le même accueil lorsqu’elle s’exprime en tant que féministe que lorsqu’elle prend la parole comme juriste, ce dernier qualificatif étant généralement accompagné d’une dose de prestige. Elle souligne aussi que l’environnement universitaire est propice à l’expérimentation, l’organisation et la mobilisation autour de certaines causes.

Suzanne est catégorique : « il ne faut pas remettre à plus tard et commencer d’ores et déjà à s’impliquer ». Mais par où commencer ? « Il suffit simplement de se diriger vers des personnes qui vous paraissent sympathiques, des causes intéressantes et tout naturellement les étudiant.e.s évolueront vers des causes à leur image. »

Elle suggère notamment aux étudiant.e.s en droit de McGill de rédiger pour la revue féministe Contours, qui lui a beaucoup apporté. Elle évoque aussi le mouvement Law Needs Feminism Because qui a pris naissance à McGill, son alma mater, et pour lequel elle entrevoit un bel avenir. Finalement, elle reconnaît aussi la pertinence des cliniques juridiques pour les étudiant.e.s en droit, qui peuvent ainsi être en contact avec des gens et lier le travail en classe à une expérience concrète.

Suzanne en profite cependant pour mettre les étudiant.e.s en garde : « Il ne faut pas penser qu’on sait tout. Il n’y a d’ailleurs pas que le droit dans la vie. » Elle donne l’exemple du droit de la famille et du droit criminel, auxquels elle s’intéresse tout particulièrement dans le cadre de ses études, où les stigmates et les préjugés sociaux modulent la compréhension ou la perception qu’on a de certains enjeux.

Finalement, Suzanne insiste sur la confiance en leur potentiel que doivent attiser les étudiant.e.s qui souhaitent s’impliquer. Elle cite en exemple son parcours personnel, elle qui ne pensait jamais en rédigeant son blogue qu’elle aurait des publications à son actif tout juste quelques années plus tard. « C’est essentiel de penser qu’on peut véritablement avoir un impact, d’autant qu’on ne sait pas où peuvent nous mener les projets auxquels on croit. »

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J’aimerais remercier les deux étudiants et l’étudiante qui ont accepté de témoigner de leur expérience. Leurs réflexions auront permis, je le souhaite, d’inspirer les lecteurs et lectrices à s’impliquer. Ces entretiens auront peut-être permis d’amorcer une réflexion quant aux responsabilités qui accompagnent le statut d’étudiant en droit. Finalement, les lecteurs pourront réaliser le potentiel qu’ils ont de transformer leur environnement.

 

Simon Bouthillier, président de la section des Étudiantes et des étudiants de l’ABC-Québec

Voir Don de soi, don de loi : Partie I


[1] Le terme « autrice », est le féminin traditionnel du nom commun « auteur », mais celui-ci ne s’est pas imposé au Québec. Il a été choisi par M. Simon Bouthillier, qui signe le texte, car Mme Suzanne Zaccour défend, entre autres, le lexique féministe.

[2] Afin d’illustrer les normes grammaticales féministes que Mme Zaccour suggère, le présent texte est rédigé en les suivant.