La Loi sur le bâtiment et les copropriétés et autres types d’immeubles : de nouvelles dispositions règlementaires à connaître

  • 15 mars 2015
  • Micheline Chalut, notaire - Collaboration de la Chambre des notaires du Québec

Quelques incidents malheureux au cours des dernières années ont probablement motivé certains responsables de la Régie du bâtiment du Québec à ajouter des dispositions contraignantes à leur réglementation. Ces incidents ont parfois causé le décès de personnes, parfois des maladies infectieuses et parfois des dommages importants. Que l’on pense à la chute du mur de façade de bâtiment, à l’effondrement d’un niveau d’un parc de stationnement intérieur, à la contamination de tour de refroidissement, etc.

Cette démarche est nécessaire pour notre sécurité. Mais pour nous, notaires, il est affolant de constater l’impressionnante quantité de lois et de règlements issus des instances fédérale, provinciale et municipales qui entrent en vigueur régulièrement. Il s’agit d’un défi pour un praticien de retracer ce qui est pertinent à sa pratique et de s’y retrouver. Parce qu’elle influence grandement la pratique notariale, voici une nouvelle réglementation qui mérite que l’on s’y arrête.

Il s’agit de l’adoption de certaines dispositions d’un règlement en lien avec la Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1) où de nouvelles obligations sont imposées à tout propriétaire ou exploitant de bâtiments de certaines catégories. En effet, en décembre 2012, la Régie du bâtiment du Québec a adopté le Règlement visant à améliorer la sécurité dans le bâtiment (« le Règlement »)[1]. La majorité des articles de ce règlement sont entrés en vigueur le 18 mars 2013 ou le 18 mars 2014[2]. Ce règlement ne fait pas de distinction quant à l’usage commercial ou résidentiel d’un bâtiment. En effet, ces dispositions peuvent s’appliquer à un immeuble détenu en copropriété divise, à un immeuble à logements, à un immeuble commercial ou industriel, etc. Dès que celui-ci répond aux critères déterminés dans le règlement, de nouvelles mesures de sécurité sont applicables et imposent des obligations à son propriétaire[3] ou exploitant. Toutefois, des bâtiments y sont exemptés, notamment les établissements d’affaires d’au plus deux étages en hauteur du bâtiment (à l’exception des résidences privées pour aînés) et les immeubles utilisés comme logements d’au plus deux étages en hauteur de bâtiment et qui comportent au plus huit logements[4]. Pour tous les autres bâtiments non exemptés, de nouvelles normes applicables sont prévues. Sans faire une étude exhaustive de cette nouvelle réglementation, nous mettrons en lumière, ci-dessous, certaines des dispositions qui pourraient s’appliquer dans vos transactions dont l’objet est un bâtiment résidentiel ou commercial, détenu en copropriété divise ou non

Façade de bâtiments

Lorsque toute façade de tout bâtiment possède une hauteur de cinq étages ou plus hors-sol, le propriétaire ou l’exploitant a l’obligation de tenir un registre de l’entretien de toute façade de tout bâtiment. Ce registre doit consigner divers documents et renseignements énoncés à l’article 373 du Règlement et être disponible sur les lieux à des fins de consultation par la Régie du bâtiment. Ce registre doit contenir notamment les rapports de vérification des façades. En effet, le propriétaire ou l’exploitant doit obtenir un rapport de vérification du caractère sécuritaire des façades au plus tard le jour du dixième anniversaire de la construction. Pour tout bâtiment de plus de 10 ans au 18 mars 2013, le rapport de vérification doit être obtenu suivant l’échéancier suivant : 

  1. S’il a plus de 45 ans, un rapport doit être produit avant le 18 mars 2015;
  2. S’il a plus de 25 ans, mais moins de 45 ans, un rapport doit être produit avant le 18 mars 2016;
  3. S’il a plus de 15 ans, mais moins de 25 ans, un rapport doit être produit avant le 18 mars 2017;
  4. S’il a plus de 10 ans, mais moins de 15 ans, un rapport doit être produit avant le 18 mars 2018.

 
Par la suite, le propriétaire ou l’exploitant doit obtenir un rapport de vérification du caractère sécuritaire des façades d’un ingénieur ou d’un architecte tous les cinq ans.

Parc de stationnement souterrain et/ou aérien

En présence de tout parc de stationnement souterrain et/ou aérien avec dalle en béton dont une surface de roulement ne repose pas sur le sol, le propriétaire ou l’exploitant doit également tenir un registre de l’entretien du parc de stationnement, dont le contenu est prévu à l’article 387 du Règlement et être disponible sur les lieux à des fins de consultation par la Régie du bâtiment. Par ailleurs, des obligations de vérification incombent au propriétaire ou à l’exploitant :
 
Une fois par année, il doit effectuer une vérification visuelle de tout parc de stationnement et/ou aérien avec dalle en béton dont une surface de roulement ne repose pas sur le sol de l’immeuble détenu en copropriété ou non. Les observations qui en découlent doivent obligatoirement être consignées dans une fiche de vérification annuelle accompagnée de photographies datées faisant état des conditions constatées.

Tous les cinq ans, il doit obtenir d’un ingénieur un rapport de vérification approfondie établissant que le parc de stationnement ne présente aucune condition dangereuse, et s’il y a lieu, des recommandations visant à corriger les défauts pouvant contribuer au développement de telles conditions.

Le propriétaire ou l’exploitant ou encore le syndicat dans le cas d’une copropriété doit également obtenir un rapport de vérification approfondie entre 12 et 18 mois après la fin de la construction de tout parc de stationnement du bâtiment. Si au 18 mars 2013, le parc de stationnement a plus d’un an et moins de cinq ans ou encore s’il a plus de cinq ans, ce sont les articles 398 et 399 du Règlement qui prévoient les diverses échéances de production du rapport de vérification approfondie du caractère sécuritaire du parc de stationnement. Par la suite, le propriétaire ou l’exploitant doit obtenir un rapport de vérification approfondie de tout parc de stationnement tous les cinq ans.

Système de protection contre l’incendie

Le Règlement inclut plusieurs dispositions quant au système de protection contre l’incendie : système de détection et d’alarme incendie, avertisseurs de fumée, avertisseurs de monoxyde de carbone, séparation coupe-feu, éclairage de sécurité, indice de propagation de la flamme et moyen d’évacuation. Ces nouvelles dispositions s’ajoutent aux normes prévues au Code de sécurité, Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1, r.3). Celles-ci étant trop nombreuses, il serait impossible d’en faire l’analyse complète. Nous vous invitons à consulter les dispositions règlementaires applicables.

Tour de refroidissement – programme d’entretien

Outre le nouveau Règlement visant à améliorer la sécurité dans le bâtiment adopté en 2012, des modifications ont été apportées au Code de sécurité (chapitre B-1.1, r. 3) en 2014 en exigeant du propriétaire un programme d’entretien lorsqu’un bâtiment est doté d’une tour de refroidissement à l’eau. Citons l’une de ses obligations : faire analyser à des moments prédéterminés la qualité du système de refroidissement pour déterminer la concentration en Legionella pneumophila en UFC/L, envoyer les résultats à la Régie du bâtiment et procéder le cas échéant à la décontamination de celui-ci. Un registre doit également être tenu et disponible sur les lieux pour consultation par la Régie du bâtiment[5].

Par ailleurs, le propriétaire doit, dans les 30 jours de la première mise en service de la tour de refroidissement et par la suite le 1er mars de chaque année, transmettre à la Régie du bâtiment, un avis contenant des renseignements sur l’installation et son entretien. Il doit aviser sans délai la Régie du bâtiment de toute modification aux renseignements fournis[6].

Ascenseur et autres appareils élévateurs

Les obligations du propriétaire reliées aux ascenseurs et autres appareils élévateurs ne sont, quant à elles, pas nouvelles. Toutefois, étant donné leur importance significative, nous désirons vous en informer. En effet, le Code de sécurité impose depuis 2004 à tout propriétaire, le respect d’un programme d’entretien et l’obligation de conserver dans le local des machines, aux fins de consultation, un registre des renseignements concernant l’entretien prévu par l’article c8.6.12 du Code de sécurité sur les ascenseurs et monte-charge, CAN/CSA B44-00, ainsi que les schémas de câblage à jour[7].

Le registre en lien avec l’entretien de tout ascenseur ou de tout autre appareil élévateur contient au moins, sans s’y limiter :

  • le détail des essais, des inspections et des autres tâches liées à l’entretien par période de cinq ans. Cette obligation légale a débuté en janvier 2006;
  • des schémas de câblage à jour de tous les dispositifs électriques de protection et des circuits directionnels primaires.

PRATIQUE NOTARIALE MODIFIÉE

L’entrée en vigueur de ces dispositions doit être connue de tout propriétaire[8] et exploitant de bâtiments visés, que ce soit un immeuble détenu en copropriété divise ou non et quel que soit sa catégorie, un immeuble à logements, un immeuble commercial ou industriel. Rappelons que c’est le type de bâtiment qui est visé et non l’usage ou le cadre juridique de détention de l’immeuble qui s’applique.

Le défaut par le propriétaire ou l’exploitant de se conformer à ces dispositions peut entraîner une ordonnance de la Régie contre le propriétaire de se conformer aux dispositions législatives ou réglementaires non respectées dans un délai précis ou même exiger la fermeture, l’évacuation ou la démolition de l’immeuble. Cette ordonnance peut être inscrite au bureau de la publicité des droits. Elle sera alors opposable à tout acquéreur dont le titre sera inscrit subséquemment et celui-ci sera alors tenu d’assumer les obligations imposées à l’ancien propriétaire aux termes de l’ordonnance[9].

Ces nouvelles dispositions devraient être connues des notaires, car elles pourraient influencer la pratique. Par exemple, lors de la rédaction de documents concernant une copropriété divise, plus précisément concernant la note d’information, le notaire pourrait demander au promoteur d’en tenir compte dans le budget estimé et dans le résumé de la déclaration de copropriété. Il informerait alors le promettant acheteur à ce sujet. Quant à la déclaration de copropriété, des dispositions particulières en regard des obligations et des devoirs des administrateurs du syndicat quant aux obligations de tenue de registres, de programmes d’entretiens obligatoires fondés sur la réglementation de la Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1) pourraient être incluses. Notons que la tenue de ces registres s’ajoute à l’obligation de tenir un registre de l’article 1070 C.c.Q.

Cet article n’est qu’un survol des nouvelles dispositions et obligations des propriétaires et exploitants. Pour connaître avec précision les données à inscrire dans les divers registres ainsi que le contenu de chacun des rapports et/ou fiches exigibles souvent à être produits par des architectes et des ingénieurs, nous vous invitons à consulter la réglementation pertinente ou encore les ouvrages publiés par l’auteure, aux Éditions Wilson & Lafleur ltée, intitulés Livre du bâtiment et ses registres et la mise à jour de Le livre de la copropriété et ses registres[10], qui contiennent notamment des registres, des fiches, des rapports, des informations, des tableaux, etc. Comme notaire, ces ouvrages sont susceptibles de devenir une occasion d’affaires alors que la toile de fond est disponible pour que vous la remplissiez pour vos clients.

[1] Loi sur le bâtiment, Code de sécurité, chapitre B-1.1, r. 3.

[2] Les articles mentionnés dans notre texte sont entrés vigueur à la date de parution de celui-ci, à l’exception de certains articles concernant le système de protection contre l’incendie et séparations coupe-feu qui entreront en vigueur soit le 18 mars 2016 ou le 18 mars 2018. Voir le Décret 1263-2012 pour connaître les détails.
[3] Dans le contexte de la copropriété, c’est le conseil d’administration, l’organe exécutif du syndicat qui agit pour la collectivité des copropriétaires. Dans le règlement en question, lorsque l’on fait référence à une obligation du propriétaire ou de l’exploitant, cela concerne le conseil d’administration du syndicat.
[4] Pour la liste détaillée des bâtiments exemptés, consultez les articles 340 à 342 du Règlement.
[5] Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1, r.3), art. 401 à 419 du Code de sécurité.
[6] Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1, r.3), art. 405 du Code de sécurité.
[7] Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1, r.3), art. 93 et 94 du Code de sécurité.
[8] En matière de copropriété divise, le syndicat agit comme représentant de la collectivité de tous les propriétaires.
[9] Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1), art. 123 à 126.
[10] Chalut, Micheline, Livre du bâtiment et ses registres, éd. Wilson & Lafleur, 2014, 210 pages ;
Chalut, Micheline, Livre de la copropriété et ses registres, éd. Wilson & Lafleur, 5e édition, 2014

Au sujet de l'auteure

Depuis 1994, la pratique de l’auteure est entièrement dédiée à la copropriété. Elle agit comme consultante et rédactrice de projets de toutes catégories pour des notaires et des promoteurs immobiliers.

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