Participation à Clarity 2014 - Deux notaires du Québec à la Conférence internationale sur le langage clair en Belgique

  • 25 février 2015
  • Caroline Ouellet, notaire et spécialiste en vulgarisation juridique chez Éducaloi, et Audrey Villeneuve, notaire et directrice du Centre de justice de proximité de Québec

Plus de 200 juristes et professionnels des communications étaient réunis en Belgique, en novembre dernier. Objectif? Partager leurs expériences et leurs expertises sur le langage clair pour améliorer les pratiques du droit et l’efficacité des organisations.

Ateliers de rédaction, bénéfices de l’application du langage clair en droit, enjeux politiques, linguistiques, communicationnels et juridiques… Cette conférence a permis à plus de 80 représentants du monde de démontrer les résultats de ces nouvelles façons de communiquer et pratiquer le droit.

Deux notaires du Québec y ont pris part : Me Caroline Ouellet, spécialiste en vulgarisation juridique chez Éducaloi et Me Audrey Villeneuve, directrice du Centre de justice de proximité de Québec.

Voici un portrait de ce mouvement international du langage clair en droit et de ses incidences pour la pratique notariale.

Révolution ou évolution de la pratique du droit?

Imaginez :

  • Un contrat lisible et compréhensible pour un non-juriste… sans clauses de plus de 10 lignes;
  • Une loi rédigée uniquement avec des mots utilisés dans leur sens commun, sans renvoi à d’autres articles;
  • Une règle et une exception expliquées non pas avec des mots, mais avec des images!

Même si cela paraît encore loin de notre réalité au Québec, ces pratiques existent pourtant aux États-Unis, en Australie, dans certains pays d’Europe et même ailleurs dans le monde.
 
Les principaux acteurs de ces changements sont des avocats, des juges, des politiciens, des traducteurs, des linguistes et des communicateurs de différents horizons. Ils ont un objectif commun : permettre à leurs citoyens de comprendre le droit qui régit leurs actions ou leur société.
 
Les résultats sont multiples : 

  • Amélioration de la compréhension des services et des conseils rendus par le professionnel;
  • Accroissement de l’efficacité organisationnelle par la réduction des questions, des demandes d’information ou des plaintes;
  • Réduction des litiges et de la judiciarisation des dossiers grâce à une meilleure compréhension des documents légaux;
  • Consolidation du lien de confiance entre le professionnel ou l’organisation et son client;
  • Augmentation de la demande pour des documents clairs.

Et ultimement, un plus fort sentiment d’appartenance et d’attachement envers le système de justice.
 
(…) readers strongly prefer plain language in public and legal documents, they understand it better than legalistic style, they find it faster and easier to use, they are more likely to comply with it, and they are much more likely to read it in the first place.
 
Professeur Joseph Kimble, Thomas Cooley Law School (Writing for dollars, writing to please)
 
Révolution ou évolution? En fait, ces pratiques s’inscrivent dans un courant de changement. Que ce soit pour répondre à des besoins éthiques, politiques ou démocratiques, pour rendre la justice plus accessible ou encore pour donner une plus-value aux services professionnels, ces pratiques participent à ramener le citoyen au cœur de nos sociétés de droit.

Pourquoi le langage clair pour les notaires?

Être compris.

« Entre ce que je pense,
ce que je veux dire,
ce que je crois dire,
ce que je dis,
ce que vous avez envie d’entendre,
ce que vous croyez entendre,
ce que vous entendez,
ce que vous comprenez,
ce que vous voulez comprendre,
ce que vous croyez comprendre,
et ce que vous comprenez,
il y a dix possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer.
Mais essayons quand même … »
Bernard Werber, L’encyclopédie du savoir relatif et absolu (2000)

Appels téléphoniques, rencontres et entrevues, prestations de services, communications écrites, etc. Tout professionnel est amené à entrer en relation et communiquer avec son client. Conséquemment, une bonne communication entre le notaire et son client participe à une meilleure compréhension de ses services et de ses conseils. De même, des documents clairs participent à la réduction des ambiguïtés, de l’interprétation et des conflits.

Et c’est payant.

Un notaire qui adapte ses communications en fonction de son client est plus susceptible d’obtenir les informations nécessaires à sa prestation de services, de faciliter la compréhension de ses conseils, de renforcer le lien confiance, d’avoir des échanges constructifs et optimaux, de rendre compte de la valeur de ses services professionnels et de satisfaire son client.

La communication est l'action de communiquer, d'établir une relation avec autrui, de transmettre quelque chose à quelqu'un. La relation est définie, quant à elle, comme un lieu d’influence réciproque. Par conséquent, le notaire qui cultive une saine communication avec son client exercera une influence sécurisante à son égard.

Le langage clair en droit dans le monde

Il y a plus de 25 pays et de nombreuses institutions activement impliqués à intégrer et promouvoir le langage clair en droit. En voici quelques-uns :

États-Unis :

  • (1973-1975) Réécriture des contrats et autres documents d’institutions financières et de compagnies d’assurance pour leur clientèle. Résultats : réduction significative des litiges et des réclamations et une augmentation de la satisfaction de la clientèle.
  • (1978-2010) Le gouvernement fédéral et une dizaine d’états américains ont légiféré pour imposer la rédaction en langage clair pour certaines lois, règlements et documents destinés aux citoyens.
  • (1991) Réécriture en langage clair des règles de procédures des cours fédérales.

Australie

  • (1976-1981) Réécriture de contrats d’assurance. Résultats : D’autres compagnies d’assurances ont emboîté le pas.
  • (1980-…) Des cabinets d’avocats offrent des services professionnels et des contrats en langage clair.
  • (1987) Le Victorian Law Reform Commission propose un guide de rédaction de la législation, formulaires et documents qui influence encore les pratiques et le langage juridique.
  • (1990-2000) Réécriture de lois en langage clair et mise sur pied d’un centre de formation en langage clair pour les avocats.
  • (2000-…) Intégration de formations en langage clair pour les juges, officiers de justice

Royaume-Uni

  • (1982) Adoption d’une politique de rédaction en langage clair pour tous les formulaires et documents destinés aux citoyens
  • (1995-2010) Réécriture en langage clair de la législation en matière fiscale.

Suède :

  • (1980) Constitution d’une équipe d’expert, incluant un linguiste, pour réviser les documents soumis au Parlement, établir des normes et contribuer à la formation des rédacteurs.

Canada

  • (années 1980) Mise en place d’un programme fédéral de financement d’organisations dans chaque province canadienne qui participent à l’information et l’éducation juridique en langage clair afin d’améliorer l’accessibilité à la justice
  • (1987) Constitution de l’Association canadienne des organismes d’éducation et d’information juridiques (ACOEIJ). L’Association est aujourd’hui composée d’un réseau de 17 organisations et d’individus membres à travers le Canada.
  • (1991) Recommandation par le Groupe de travail sur l’accès à la justice au Québec d’un meilleur accès à l’information juridique pour la population.

Commission européenne

  • Consacre 1 % de son budget au langage clair
  • (2008-…) Des documents explicatifs destinés aux citoyens sont joints aux travaux de la Commission européenne pour expliquer les changements proposés aux lois.

Organisateurs de la conférence :

Clarity est une association internationale de professionnels qui utilisent et promeuvent l’utilisation d’une communication juridique claire.

IC Clear (Consortium international pour la communication claire) est un regroupement de professionnels travaillant à la recherche et à la formation en communication claire.

Visualisez les conférences du 14 novembre tenues à la Commission européenne, à Bruxelles.

Animateur : Rytis Martikonis

  • The EU in a multilingual world – Catherine Day, Secretary-General of the European Commission
  • Writing clearly for 28 Member States – Reijo Kemppinen, EU
  • Developing plain language guidelines internationally – Karen Schriver, USA
  • How can we make EU legislation clearer? – William Robinson, UK
  • Both legally correct and clearly understandable – Viktor Soloveytchik, EU
  • The US Plain Writing Act: Ensuring the citizen’s right to clarity – Anetta Cheek, USA

Notaires déléguées :

Caroline-OuelletMe Caroline Ouellet est notaire depuis 2009 et spécialisée en vulgarisation juridique. Aussi détentrice d’un baccalauréat en sciences de la communication, elle travaille principalement à concevoir de l’information juridique pour les citoyens et conseiller les organisations en matière de communication juridique vulgarisée pour l’organisme Éducaloi. Éducaloi est un organisme sans but lucratif qui s'est donné la mission d’informer les Québécois et les Québécoises de leurs droits et de leurs obligations en mettant à leur disposition de l'information juridique de qualité, diffusée dans un langage simple et accessible.

Me Audrey Villeneuve est notaire depuis 1998. Elle a pratiqué la profession notariale à Alma au Lac Saint-Jean de 1998 à 2010 et a œuvré, en tant que directrice, à mettre sur pieds le Centre de justice de proximité de Québec. Elle suit présentement une formation en relation d’aide afin d’approfondir et d’améliorer la qualité des relations humaines par une communication authentique.

Audrey-Villeneuve

 

Le Centre de justice de proximité de Québec est un organisme à but non lucratif ayant pour mission de promouvoir l’accès à la justice en favorisant la participation des citoyennes et des citoyens, par des services d’information, de soutien et d’orientation, offerts en complémentarité avec les ressources existantes. Les Centres de justice ont été créés dans le but de constituer une porte d’entrée accessible et humaine sur le système judiciaire afin que le citoyen se sente appuyé et soutenu lorsqu'il vit une situation impliquant des aspects d'ordre juridique, en lui offrant un service unique et personnalisé et qui est basé sur l’écoute.

Me Caroline Ouellet et Me Audrey Villeneuve ont pu assister à cette conférence grâce à la collaboration financière de la Chambre des notaires du Québec, d’Éducaloi et du Centre de justice de proximité de Québec.

En collaboration avec la Chambre des notaires du Québec

Chambres des notaires