Un nouveau cadre juridique pour le réseau de la santé

  • 11 mai 2015
  • Stéphanie Parent, ABC-Québec

La réforme apportée par les projets de loi 10 et 20 ne sera pas la première à modifier en profondeur le système de santé québécois. Elle semble pourtant s’attaquer aux mêmes problèmes que celles de 1987 et 2001 : l’accès aux soins et les coûts élevés de fonctionnement dans le cadre de ressources financières limitées. La réforme actuelle touchera notamment la gouvernance du système, la répartition des pouvoirs et des responsabilités dans le réseau, de même que l’encadrement de la pratique médicale. « Il est très important pour les juristes qui travaillent de près avec les patients et les acteurs du  réseau de la santé de comprendre la portée juridique de ces deux projets de loi », affirme Me Mylène Beaupré, présidente de la section de droit de la Santé de l’ABC-Québec.
 
La section offrira d’ailleurs une formation sur le sujet, intitulée « Un regard juridique sur les récentes réformes en santé au Québec », le 28 mai prochain. C’est la professeure Anne-Marie Savard, cofondatrice du Centre de recherche en droit et politiques de la santé de l'Université de Sherbrooke, qui animera la conférence.

L’objectif principal de la formation est de « présenter la nouvelle structure du système à un niveau macro, explique la professeure. On passera d’un système à trois paliers, actuellement formé du ministère, des agences et des établissements, à un système à deux niveaux où les agences disparaîtront. » La répartition des pouvoirs des agences entre le ministère et les établissements sera analysée. « Il y a une extrême concentration des pouvoirs entre les mains du ministre », note la conférencière. Le nombre d’établissements passera également de plus de 180 à une trentaine.

L’impact du changement

Bien que toutes les conséquences de la réforme ne puissent être connues avant sa mise en œuvre, la formation lancera quelques pistes de réflexion. Par exemple, le droit reconnu aux usagers de choisir leur professionnel de la santé et leur établissement sera « inévitablement touché » selon la professeure Savard. Cela risque en effet d’être une des conséquences directes de la réduction du nombre d’établissements et de l’augmentation de leur taille.

La conférencière se questionne également sur l’avenir de la culture contractuelle qui existe entre les établissements du réseau et les différents partenaires, notamment les ressources intermédiaires ainsi que les organismes communautaires. « Est-ce que les contrats entre ces différents acteurs seront aussi efficaces et efficients, dans une telle méga structure?  Les cocontractants auront-ils encore une connaissance assez approfondie de leur milieu pour conclure des ententes répondant au mieux aux besoins de la population? »

La réforme ne touchera pas directement à la responsabilité médicale. Mais elle pourrait tout de même affecter la responsabilité en matière de gestion qui a déjà été imputée par les tribunaux aux établissements de santé. « Avec l’augmentation de la taille des établissements, il risque d’y avoir une dilution de la responsabilité, soulève la professeure. Les gestionnaires seront-ils en mesure de prendre des décisions aussi éclairées qu’avant? »

Le rôle des médecins

Le projet de loi 20 vise à « donner accès à un plus grand nombre de patients à un médecin de famille, expose Me Beaupré. L'objectif est certainement louable, mais en utilisant un système de quota, cette loi touchera à la qualité de la relation entre le médecin et son patient », ajoute l’avocate.

La professeure résume un des enjeux que cela pourrait soulever. « Le ministre souhaite sortir les médecins de famille des hôpitaux en orientant leur pratique pour qu’ils atteignent leur quota de patients. Or, ici et ailleurs dans le monde, la tendance est à la pratique multidisciplinaire. Toutefois, le projet de loi 20 ne va clairement pas dans ce sens. Le système de quota risque de décourager les médecins de consacrer du temps aux réunions avec les autres professionnels de la santé. »
 
Cette formation permettra aux juristes œuvrant dans le réseau de la santé, en pratique privée en droit de la santé, ou qui défendent des établissements ou des patients d’avoir une vue d’ensemble du nouveau système dans lequel ils évolueront. « La conférence pourrait également intéresser les gestionnaires du réseau de la santé et les commissaires aux plaintes des établissements », ajoute Me Beaupré. Soyez prêts à faire face à ces transformations qui secoueront de nouveau le système de santé québécois.

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