Poivre de Cayenne, gaz lacrymogènes, arrestations, détentions ne comptent certainement pas parmi les éléments qu’un avocat souhaite voir sur le tableau de ses faits d’armes. Ils représentent pourtant la dérive potentielle des causes opposant des groupes autochtones et les promoteurs qui souhaitent exploiter les ressources naturelles (mines, pétrole…).
Ce virage dramatique va aussi souvent de pair avec le chemin du tribunal.
Pourtant, il ne s’agit pas d’une voie incontournable, assure Me Franklin S. Gertler, de Franklin Gertler étude légale. L’éminent expert des causes impliquant des groupes autochtones expliquera comment éviter la cour dans ce type de dossier, dans le cadre d’un déjeuner-causerie organisé par notre section de droit de l’Environnement, énergie et ressources naturelles, le 13 novembre 2013.
À cent lieues de se poser en donneur de leçon, il dévoilera au contraire sa vision, juste et sans œillères, du traitement des dossiers impliquant les grandes entreprises et les Premières Nations, en l’étayant d’exemples de causes pour lesquelles on a fait appel à son expertise.
Lors d’un entretien téléphonique accordé à l’ABC-Québec, entre deux sauts au Nouveau-Brunswick dans une affaire opposant une compagnie d’exploitation des gaz de schiste à une communauté autochtone, Me Gertler rappelle que la Loi constitutionnelle de 1982 a enchâssé dans la Constitution canadienne la reconnaissance des droits des autochtones, ce qui comprend notamment les droits ancestraux et ceux qui sont issus de traités. Le titre séculaire, c’est-à-dire les droits fonciers, est évidemment inclus dans cette reconnaissance et il souligne qu’à celui qui respecte ce droit spécifique échoit l’obligation de préserver l’état d’origine de l’objet de la négociation, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, les terres…
L’obligation de la Couronne de consulter et d’accommoder les groupes touchés par les projets de développement fut également établie par la Cour suprême, mais gouvernements et entreprises en font souvent une lecture minimaliste, déplore le juriste. On submerge les autochtones avec de la consultation sur des questions liées à des détails techniques et on élude l’essentiel, c’est-à-dire les grandes orientations et politiques de développement des ressources naturelles…
Il met en garde les avocats qui défendent les grandes entreprises minières ou pétrolières et ceux qui sont responsables du financement de leurs projets, face aux conséquences que peut entraîner la décision de banaliser l’étape essentielle de la consultation, en remettant aux calendes grecques les négociations sur les droits ancestraux et issus de traités ou en effectuant une ‘consultation sélective’ par exemple. « Il arrive souvent que les tribunaux donnent raison aux autochtones en signifiant à la Couronne et aux compagnies qu’elles ont pris des décisions concernant l’exploitation des ressources naturelles sans respecter l’obligation préalable de consultation et d’accommodement. On retarde alors l’avancement du projet d’exploitation des ressources », explique-t-il.
Et bien sûr, le risque de faire face à des protestations plus radicales germe aussi souvent dans ces confrontations; telle une épée de Damoclès, il peut faire dérailler les projets et donner lieu à des situations qui mettent en péril l’intégrité physique et morale des individus… Me Gertler en relatera quelques exemples : crise d’Oka, affrontements pour les droits de pêche dans la péninsule acadienne, au Nouveau-Brunswick…
« Il faut trouver le moyen de créer un climat de relation durable, pour avoir une plus grande sécurité juridique », signale-t-il.
Et au-delà des considérations d’ordre légal, ces causes revêtent des obligations morales d’éthique et d’humanité : elles sont inéluctables, estime-t-il.
Les culs-de-sac, eux, ne sont pas des passages obligés dans le cheminement de vos dossiers d’exploitation des ressources naturelles : Me Franklin S. Gertler vous en fournira les preuves… et partagera sa passion pour ce secteur du droit.