À la recherche du droit

  • 12 juin 2014
  • Josée Descôteaux - ABC-Québec

Débroussailler, extraire et délecter son esprit : c’est en remuant ainsi le savoir que Catherine A. Jenner a toujours nourri une part de son bonheur. Elle voulait aussi gagner sa vie en plongeant tête première dans l’analyse et la réflexion. Elle a donc jeté son dévolu sur les études en philosophie. Insatiable, elle a poussé plus loin sa quête de l’observation critique, avec deux formations universitaires qui l’ont menée à la profession d’avocate recherchiste. Chez Stikeman Elliott, Maître Catherine Jenner peut chaque jour goûter la connaissance en la servant aux autres juristes.

Portrait de Me Catherine Jenner, présidente de la section de droit de la recherche et de la gestion du savoir

Maître Catherine JennerElle est née en Ontario et sa langue maternelle est l’anglais. Son champ de pratique comprend notamment la Charte de la langue française. L’alliage peut paraître incongru, mais encore une fois, c’est la soif d’apprentissage qui a incité Me Jenner à s’offrir deux cours intensifs de français… en Inde, avec un professeur parisien! « Mon époux est professeur de linguistique, dont le sanskrit et il a fait une recherche sur la structure du sanskrit là-bas », explique-t-elle.

Son riche parcours académique a débuté avec un baccalauréat en littérature anglaise et philosophie, obtenu à l’Université de Toronto. Férue de recherche, elle lorgnait la profession de bibliothécaire en droit, ce qui l’a menée au baccalauréat en droit (common law), puis à la maîtrise en bibliothéconomie, complétée à la même université. Elle a exercé cette profession convoitée de 1982 à 1985, en Alberta, où son époux avait décroché un emploi en 1985.

Ce fut ensuite le séjour en Inde, puis le retour à Toronto. Mais voilà, le désir de creuser plus profondément dans l’univers du droit la titillait : elle a pratiqué le droit pendant trois ans, au sein d’un petit cabinet.

En 1991, son époux a obtenu un poste d’enseignant à l’Université McGill et le couple a plié bagages en direction du Québec. Après son baccalauréat en droit à l’Université de Montréal, elle fut assermentée au Barreau du Québec en 1993. L’avocate avide de connaissances a partagé les siennes en enseignant quelque temps au College O’Sullivan, avant de décrocher le poste d’avocate recherchiste chez Stikeman Elliott en 1994, qu’elle occupe toujours aujourd’hui.

Les autres voies

Ses principaux clients sont les avocats spécialistes en droit immobilier et bancaire, en valeurs mobilières et en fusions et acquisitions. En leur fournissant cette matière première que constitue la doctrine, « Je façonne en quelque sorte leur travail », signale-t-elle.

La mission n’est pas que régal intellectuel. Elle est aussi assortie de son petit lot de défis. « Les clients sont plus exigeants : la compétition est féroce entre les cabinets et les échéanciers sont serrés; nous avons moins le temps de faire les recherches en profondeur. Les outils de recherche en droit québécois et surtout la doctrine du Québec s’améliorent continuellement mais la multiplication de sources et de l’information demandent qu’on soit de plus en plus efficace », souligne l’avocate, mère de deux enfants dans la vingtaine.

Sans compter la mare surabondante d’informations dans laquelle elle doit puiser les renseignements et éléments de doctrine pertinents.

Le défi ne la rebute pas, au contraire : l’information virtuelle et l’accès gratuit à une partie d’entre elle peuvent s’avérer des atouts pour servir ses clients. Et bien entendu, le flot de connaissances acquises est riche et constant, mentionne-t-elle.

Le travail de recherche pour les avocats n’est pas la seule source de savoir à laquelle elle peut s’abreuver : la formation continue de l’ABC-Québec, dont elle est membre depuis 1991, constitue aussi pour elle un vecteur de savoir indispensable. « J’avais rencontré Claudine Roy, qui a fondé la section. Nous avions pensé que l’ABC serait l’association idéale pour regrouper les juristes qui travaillent en recherche dans la profession, raconte-t-elle. Nous avons ajouté plus tard la gestion du savoir parce que les deux sont liés dans plusieurs cabinets ».

Me Jenner, qui est récipiendaire des Prix Philips & Vineberg et Wilson & Lafleur de l’Université de Montréal, partage également son temps et ses connaissances avec l’organisme Projet Genèse. « Il s’agit de bénévolat une demi-journée par semaine. On donne des renseignements légaux gratuits dans les domaines tels que le logement, l’aide sociale, les pensions et les allocations familiales», explique-t-elle.

Marche (pour se rendre au boulot), yoga, lecture et théâtre lui permettent de s’extirper de l’univers de la recherche, offrant un peu de répit à son esprit… De même que le chant choral : l’avocate recherchiste prête sa voix d’alto à la chorale communautaire Yellow Door depuis douze ans.

Et elle a trouvé sa voie, dans l’érudition au service du droit.