Sur le vert piétiné par les foulées de course, il fonce et frappe, le filet dans sa mire. Il vise la victoire et du coup, la défaite de l’adversaire. Dans l’arène de la justice, le terrain de la confrontation est plane et le joueur, devenu arbitre, doit demeurer placide. Et il est mu par une allure modérée, car ses desseins sont exempts d’émulation : la cible est le compromis entre propriétaires immobiliers ou entreprises. Maître Steve McInnes, virtuose de la conciliation dont les espadrilles de soccer ont tâté des sols hors-Canada à quelques reprises, est expert en médiation et en arbitrage en matière commerciale au sein du cabinet De Grandpré Chait. Son euphorie professionnelle est tempérée mais elle se nomme succès dans la médiation.
Portrait du président de la section Prévention et règlement des différends
Ne lui cherchez pas noise, il tentera sans aucun doute de vous faire bifurquer vers l’accommodement… « J’ai fait du litige. C’est d’abord la confrontation, alors qu’en droit des affaires, on cherche davantage l’entente : cela correspond mieux à ma nature… », déclare l’avocat de 51 ans en entrevue.
Bon, nul ne naît avec la bonne entente au bout des doigts. Le jeune McInnes a fait le plein d’affrontements avant d’atteindre l’âge de la majorité. Le talent de négociateur a germé beaucoup plus tard, tout comme l’attrait pour le droit, qui ne coulait pas dans ses veines. Il a surgi au cours de ses études collégiales, en consultant un document d’orientation vers les choix de carrière.
Le règlement des litiges titillait déjà son intérêt; il a eu l’opportunité d’en jauger la force au cours de son baccalauréat en droit à l’Université de Montréal, puis au début de sa carrière au cabinet Robinson Sheppard Shapiro. Et il a bien eu le temps de mesurer son intérêt… « En tant que jeune avocat, j’ai été impliqué dans une cause entre les actionnaires de la compagnie Kruger, un conflit en partie familial. J’y ai pratiquement fait une maîtrise en procédures, tellement j’ai appris! », relate Me McInnes, qui fut admis au Barreau en 1985, à l’âge de 22 ans. Comble de l’apprentissage « sur le terrain », les avocats séniors du cabinet lui confiaient, dans cette cause, des requêtes devant la Cour d’appel contre des ténors du Barreau beaucoup plus expérimentés que lui…
Il est demeuré au sein de l’équipe de ce cabinet jusqu’en 2004, avec laquelle il a eu subséquemment le coup de foudre pour le droit des affaires. La piqûre fut si efficace qu’il a décidé d’acquérir d’autres outils pour mieux servir ses clientes, les entreprises. En 1997, il a poursuivi ses études à l’École des Hautes études commerciales (HEC) et obtenu son diplôme de maîtrise en administration des affaires (MBA).
Il n’est nullement prétentieux ou exagéré de souligner ici que l’avocat-étudiant a réalisé à cette époque des prouesses organisationnelles : outre sa pratique et ses études (à temps partiel, bien sûr!), il dédiait une partie de son temps et de son énergie à ses trois filles, âgées de 7 ans et moins…!
Patience et médiation
Il est entré dans l’univers de la médiation par la porte d’un projet-pilote conjoint du Barreau du Québec et de la Cour supérieure, en 1995. Celui-ci visait à inciter les parties dont le dossier était entre les mains de la Cour à choisir la médiation. Me McInnes a participé au projet. «La médiation est gratifiante : presque rien ne bat ce plaisir d’aider les gens à trouver des solutions, même s’il y a constamment des obstacles », estime-t-il.
Son intérêt professionnel pour cette pratique était tel qu’il a poussé plus loin l’acquisition de savoir à ce sujet, en s’offrant, en 1997, des ateliers de médiation (« Advanced Mediation Workshop ») à la Faculté de droit de l’Université Harvard. Il a par la suite poursuivi sa formation et fut accrédité en médiation et en arbitrage par plusieurs organisations telles que le Barreau et l’Institution de médiation et d’arbitrage du Québec (IMAQ), duquel il est aujourd’hui membre.
La formation s’avère un atout indéniable mais elle n’esquive pas les missions plus ardues…! Comme ce dossier qu’on lui a confié à la fin des années 90 : il représentait un développeur québécois qui souhaitait construire une centrale au gaz naturel sur le site d’une papetière dans l’État du Maine. Tout était à faire, de la soumission initiale au contrat de vente d’énergie. Trois ans de travail ont été nécessaires avec la collaboration des avocats américains avant la production des premiers mégawatts.
Toutes les causes ne sont pas aussi laborieuses mais Me Steve McInnes se voit confier, aujourd’hui chez De Grandpré Chait (depuis 2005) des causes à la hauteur de son expertise et de ses habiletés : transactions immobilières, baux commerciaux, conventions de vente et d’achat, entre autres.
L’ABC-Québec et le sport
Bien qu’il soit membre de l’ABC depuis pratiquement le début de sa carrière, son implication au sein de l’ABC-Québec s’est concrétisée en 1998, au moment de la création de la section de droit Prévention et règlement des différends, dont il est un membre fondateur. Il en est depuis membre de son comité exécutif et en assume la présidence depuis 2011. Il accorde une grande importance à la promotion de la prévention et du règlement des différends et les activités qu’il organise avec sa section constituent une tribune appropriée pour gagner cette visibilité. De plus, souligne-t-il, « cela me permet de demeurer en contact avec les gens du milieu. Plusieurs d’entre eux sont des travailleurs autonomes et sont donc un peu plus isolés ».
Sans compter que, soutient-il, le succès de la médiation commerciale repose en bonne partie sur les épaules des avocats qui travaillent en litige : la formation continue est donc essentielle. D’autant plus avec l’arrivée du nouveau Code de procédure civile, ajoute l’avocat…
Entre le labeur voué à la recherche d’ententes et le travail acharné consacré à l’ABC-Québec, le Maître de la médiation a envoyé ses premiers coups de pied au ballon en 2006. Ses filles jouaient au soccer et il est devenu entraîneur de leurs équipes. De fil en aiguille et mu par le plaisir de pratiquer ce sport, il a complété la formation pour devenir entraîneur provincial, puis il ne s’est pas fait prier pour s’envoler vers la Turquie lorsqu’on lui a parlé de la compétition internationale MUNDIAVOCAT… Il est ainsi devenu membre de l’équipe représentant le Québec, avant d’en être nommé joueur-entraîneur!
Joueur de hockey depuis plusieurs années, dont une partie au sein de la Ligue des avocats, il ne lève pas le nez sur le plaisir de jouer aussi au volleyball de temps en temps avec ses filles, toutes trois des joueuses accomplies. En fait, Me McInnes apprécie les sports de compétition… comme si, de temps en temps, émergeait le besoin de troquer la conciliation contre la confrontation…
Ce qui, bien sûr, n’évince pas le souhait qu’il mijote d’investir plus de temps et d’énergie à la médiation et l’arbitrage en matière commerciale, dans le cadre de sa pratique.
C’est qu’il ne saurait se priver du plaisir que lui procure la négociation en droit des affaires. « Il faut arriver à convaincre la partie adverse du bien-fondé de notre position, tout en respectant ses besoins, plutôt qu’en essayant de tirer la couverture de son propre côté. Cela mène à de meilleures ententes », mentionne-t-il.
Dans le sport, il vise d’un seul côté. Le maestro de la médiation, lui, laisse la balle rebondir dans chaque camp, déjouant les obstacles qui font obstruction au jeu de la conciliation. La partie se termine lorsque l’équilibre des pointages des deux équipes est satisfaisant pour chacune d’entre elles. C’est à ce moment que l’arbitre a marqué son but : la justice a triomphé. Mais pour Maître Steve McInnes, l’arbitre, bien d’autres parties se joueront. Le grand tournoi de sa carrière est loin d‘être terminé…