Allocution de Brian Mulroney au Dîner présidentiel 2015

  • 05 juin 2015
  • Le très honorable Brian Mulroney

Je suis heureux de me joindre à tant d’amis et de collègues ce soir.

Il me semble qu’hier encore, certains d’entre nous étaient étudiants à la Faculté de droit de l’Université Laval, qui se trouvait alors dans le Quartier Latin de Québec, où se tenaient de nombreuses réunions amicales après les cours. Parmi nos professeurs de droit, il y avait des sommités, comme Louis Saint-Laurent et Robert Cliche. Notre éducation politique, nous l’avons d’abord faite en assistant à des séances de l’Assemblée législative du Québec, dont Jean Lesage, Daniel Johnson et René Lévesque étaient les principaux protagonistes.

En tant que membre du Barreau du Québec depuis quelque 50 ans, j’ai eu le privilège de me faire de nombreux amis parmi vous, tant dans le cadre de ma pratique privée que pendant ma vie publique. À titre de premier ministre, j’ai eu l’honneur de nommer de nombreux membres éminents du Barreau du Québec à la Cour supérieure, à la Cour d’appel, à la Cour fédérale et à la Cour suprême du Canada.

À mon avis, le Canada possède la meilleure magistrature du monde. Indépendante et forte, cette magistrature est la colonne vertébrale de notre démocratie. C’est parce que les gouvernements de toutes les allégeances ont toujours choisi les meilleurs candidats qui soient, sans égard à leurs croyances politiques, que les citoyens profitent de la protection la plus fondamentale qui soit dans la vie, à savoir un système judiciaire indépendant.

Mais ce résultat n’est pas le fruit du hasard. À la suite de changements instaurés par mon gouvernement, les candidats à la magistrature fédérale doivent maintenant faire l’objet d’un examen et d’une recommandation par leur barreau provincial. Au Québec, le gouvernement provincial est habituellement consulté en ce qui a trait aux trois sièges détenus par la province à la Cour suprême.

À cet égard, je suis heureux de rendre hommage au Barreau canadien, qui a contribué de façon très importante à la mise en place des comités chargés d’évaluer la compétence des candidats à la magistrature. D’ailleurs, le Barreau canadien a joué un rôle significatif dans l’adoption de réformes visant l’amélioration de l’administration de la justice au pays, et nous en sommes tous reconnaissants.

La séparation des pouvoirs législatifs et judiciaires est, bien sûr, un élément fondamental de notre vie démocratique. L’indépendance du système judiciaire est tout aussi importante que la responsabilité du Parlement.

L’an dernier, la Cour suprême nous l’a rappelé dans sa décision concernant le renvoi relatif à la réforme du Sénat. L’aile exécutive du pouvoir législatif demandait au pouvoir judiciaire si un Sénat nommé pouvait être remplacé par un Sénat élu, si des élections consultatives pouvaient avoir lieu dans les provinces, s’il était possible de limiter la durée des mandats et même si le Sénat pouvait être aboli par l’aile exécutive et la législature seulement.

Dans cette décision historique, la Cour nous a rappelé que même si les règles de modification font partie de la Loi constitutionnelle de 1982, l’expérience constitutionnelle du Canada, elle, date de l’époque de la Loi constitutionnelle de 1867. En d’autres mots, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique est le cadre constitutionnel qui sert si bien ce pays depuis près de 150 ans.

Les Canadiens accordent beaucoup de valeur à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et à la Loi constitutionnelle de 1982, qui contient la Charte canadienne des droits et libertés et la procédure de modification. Ces deux courants constitutionnels sont parfaitement complémentaires. Et tous deux définissent les valeurs de la société canadienne, à savoir la tolérance et la diversité.

Sir John A. Macdonald et les Pères de la Confédération savaient ce qu’ils faisaient aux conférences de Québec et de Charlottetown de 1864 ainsi qu’à la Conférence de Londres de 1866-67. Ils établissaient un modèle constitutionnel fondé sur des principes, mais empreint de pragmatisme, s’inspirant de la tradition de Westminster mais adapté aux réalités de la fédération canadienne en devenir.

La division des pouvoirs et le fédéralisme pragmatique prévus dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique sont au coeur même du compromis canadien mis de l’avant par Sir John A. Macdonald et les pères de la Constitution.

Ces derniers ont créé un parlement bicaméral : une Chambre élue selon le principe de la représentation selon la population et un Sénat nommé dans lequel les régions ont une représentation égale.

« Le Sénat est l’une des institutions politiques fondamentales du Canada, a déclaré la Cour. Il se situe au coeur des ententes ayant donné naissance à la fédération canadienne. »

Ainsi, toute modification du mode de nomination des sénateurs s’écartant de l’intention des auteurs de la Constitution de 1867 représente une modification constitutionnelle en vertu de la procédure de modification de 1982, nécessitant soit le consentement d’Ottawa et de sept provinces représentant 50 pour cent de la population aux termes de la procédure 7/50, soit le consentement unanime d’Ottawa et des provinces.

La Cour suprême a confirmé qu’il fallait un seuil constitutionnel élevé dans le renvoi relatif au Sénat. De même, elle nous a rappelé que l’expérience constitutionnelle du Canada remonte non pas à 1982, mais bien à 1867.

Nous savons tous que le Sénat a absolument besoin d’une réforme. Il est devenu dysfonctionnel et sa réputation a été entachée, malgré le bon travail qui y est souvent accompli, en particulier au sein de ses comités.

Mais cela ne signifie pas pour autant que les règles actuelles n’offrent pas de possibilités. J’ai d’ailleurs deux suggestions.

Tout d’abord, peu importe qui sera le premier ministre après la prochaine élection, celui-ci pourrait mettre sur pied une commission composée de deux éminents Canadiens – peut-être un ancien vérificateur général et un ancien membre de la Cour suprême – et leur donner six mois pour élaborer un code de conduite à l’intention des membres du Sénat qui réglerait les problèmes de malversations et l’absence de règles régissant les dépenses, les lieux de résidence et autres éléments semblables. Ce code devrait être clair et comporter des règles strictes, règles qui devraient être appliquées. Pour garantir son respect, le premier ministre ne devrait procéder à aucune nouvelle nomination jusqu’à son entrée en vigueur.

Il existe également une façon de réformer le processus de nomination par l’exécutif sans devoir modifier la Constitution, et c’est selon la formule adoptée dans l’Accord du lac Meech en 1987.

Parmi les dispositions adoptées dans cet accord, il était prévu que le premier ministre nommerait les sénateurs à partir de listes de candidats soumises par les provinces. Cette disposition visait plusieurs objectifs, notamment réduire la centralisation du pouvoir au bureau du premier ministre, mettre fin au processus qui amène le parti au pouvoir à procéder à un maximum de nominations partisanes et conforter le rôle du Sénat à titre de Chambre des provinces.

Même si Meech n’était pas encore en vigueur, j’avais offert, en attendant l’approbation définitive par toutes les provinces, de faire appliquer les dispositions en matière de nomination dans l’intérêt de l’innovation et de l’harmonie constitutionnelles.

Avec le recul, je suis frappé par la qualité exceptionnelle des sénateurs issus du Québec que notre gouvernement a nommés, sur la recommandation du gouvernement du premier ministre Robert Bourassa, et ceux d’autres provinces qui avaient décidé de se prévaloir de cette offre.

Il y avait Claude Castonguay, ministre de la Santé et père du régime d’assurance-maladie du Québec; maître Gérald Beaudoin, professeur de droit reconnu dans tout le pays; Thérèse Lavoie-Roux, ancienne présidente de la Commission des écoles catholiques de Montréal; Jean-Marie Poitras, président du conseil et chef de la direction de l’Alliance, compagnie d’assurance; Roch Bolduc, chef de la fonction publique québécoise. Il y avait aussi Solange Chaput-Rolland, journaliste et animatrice; et Jean-Claude Rivest, le plus proche conseiller politique de M. Bourassa, qui siège encore au Sénat à titre d’indépendant.

En 1990, j’avais également nommé Stanley Waters de l’Alberta, sur la recommandation du premier ministre Don Getty. M. Waters a été le premier sénateur « élu » aux termes d’un vote consultatif. De Terre-Neuve, sur la recommandation du premier ministre Brian Peckford, j’avais nommé Gerald Ottenheimer, boursier Rhodes, qui avait été président de l’Assemblée législative de Terre-Neuve.

Tous se sont avérés d’excellents sénateurs et aucun d’entre eux n’était un membre ou un organisateur du Parti progressiste-conservateur, à l’exception de M. Ottenheimer. En d’autres mots, il n’y a pas eu de retour d’ascenseur à mes amis politiques. Je nommais des personnes très compétentes qui avaient pour tâche d’accomplir du bon travail.

Je ne veux pas m’attarder sur Meech, beaucoup de temps a passé depuis. Mais je dirai que la disposition concernant le Sénat représentait bien le côté pratique de l’Accord. Les trois sièges du Québec à la Cour suprême auraient en outre été constitutionnalisés et Ottawa aurait choisi les candidats à partir de listes soumises par les provinces; l’Entente Cullen-Couture en matière d’immigration entre Ottawa et Québec aurait été enchâssée; le pouvoir de dépenser du fédéral dans les programmes à frais partagés aurait été limité; la formule de l’unanimité pour les modifications aurait été étendue à plusieurs autres domaines, y compris à tout changement apporté au rôle de la Reine.

Le premier des six points de l’Accord, qui prévoyait la reconnaissance du Québec comme « société distincte au sein du Canada », était lié à une clause en matière de dualité aux termes de laquelle les minorités anglophones au Québec et les Canadiens francophones ailleurs au pays auraient été partie intégrante d’une « caractéristique fondamentale du Canada ». En d’autres termes, l’identité distincte du Québec au sein du Canada était affirmée, sans qu’un statut spécial lui soit accordé.

Il est intéressant de noter que quelques années après le débat acrimonieux sur la clause de « société distincte » de Meech, l’ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, Brian Dickson, a dit ceci :

« Laissez-moi dire directement que je n’ai aucune difficulté avec le concept de société distincte. En fait, les cours interprètent déjà la Charte des droits et la Constitution de manière à tenir compte du rôle distinctif du Québec dans la promotion et la protection de son caractère francophone. De façon pratique, par conséquent, l’enchâssement de la reconnaissance du caractère distinctif du Québec dans la Constitution n’impliquerait pas une dérogation importante à la pratique existante dans notre cour. »

Vous ne trouverez aucun rejet plus sage, plus persuasif et plus définitif du principal argument des forces anti-Meech de l’époque.

L’unité canadienne est la principale préoccupation de tout premier ministre. Comme Sir Wilfrid Laurier l’a si bien dit : « Le grand dessein de mon existence a été d’harmoniser les éléments divers qui composent notre pays. »

Cela m’amène au thème sur lequel le Barreau canadien m’a demandé de parler ce soir, soit « La place du Québec au sein du Canada et la place du Canada dans le monde au XXIe siècle, à l’aube du 150e anniversaire de la Confédération », que l’on célébrera dans deux ans.

Permettez-moi d’aborder la question du Québec sous un autre angle, non pas celui de sa place au sein du Canada, mais plutôt celui de son rôle au sein de la fédération canadienne. C’est de l’idée d’un pays et de leadership dont il est question. Et Philippe Couillard figure parmi les premiers ministres du Québec les plus fédéralistes que j’aie vus, et je les ai tous connus depuis Jean Lesage. Il a également une idée très claire du rôle du Québec au sein du Canada.

Son allocution à l’Assemblée législative de l’Ontario le mois dernier était un événement historique en soi : une première depuis Jean Lesage en 1964. Son message voulant que l’Ontario et le Québec soient des partenaires dans la fédération était encore plus exceptionnel.

Comme il l’a dit : « Le gouvernement que je dirige croit fermement que le Québec avance lorsqu’il s’unit plutôt que lorsqu’il se divise. Lorsqu’il participe au lieu de s’exclure. Mais surtout, lorsqu’il construit des ponts avec tous ses partenaires de la fédération plutôt que d’ériger des murs. »

M. Couillard a même laissé entendre l’an dernier qu’il aimerait que le Québec ratifie la Constitution d’ici le 150e anniversaire du Canada. On ne sait pas exactement ce qu’il a en tête, mais un débat constitutionnel devrait clairement inclure l’ensemble du Canada, y compris les Premières Nations, et le Québec.

L’idée de tenter de résoudre les questions constitutionnelles canadiennes en suspens d’ici le 1er juillet 2017, soit à l’occasion du 150e anniversaire du Canada, rendrait certainement heureux nos fondateurs et le plus grand de nos premiers ministres, Sir John A. Macdonald. Après tout, n’a-t-il pas dit :

« Nous sommes un grand pays et nous deviendrons un des plus grands de l’univers si nous le préservons. Nous sombrerons dans l’insignifiance et l’adversité si nous permettons qu’il soit démantelé. »

Pour ce qui est du rôle du Canada dans le monde au XXIe siècle, la question est de savoir ce que nous voulons faire des occasions qui s’offrent à nous. Et tout commence avec nos citoyens.
 
La première obligation du Canada, c’est d’offrir des possibilités économiques et des emplois, surtout à nos jeunes, mais aussi à tous ceux qui veulent travailler et prospérer.
 
Ce n’est pas là une théorie d’intellectuels. C’est une réalité politique ferme et inévitable.
 
En 2017, le Canada comptera presque 37 millions d’habitants, soit 20 millions de plus qu’au moment de notre centenaire en 1967. Les Premières Nations du Canada de même que les Canadiens de langue française et anglaise ont, surtout au cours des 50 dernières années, vu se greffer à eux des communautés multiculturelles. D’ici 2017, à elle seule, la population issue des minorités visibles, notamment d’Asie et d’Afrique, atteindra 7 millions de personnes et représentera plus de 20 pour cent de la population du Canada. Non seulement ces communautés font du Canada un meilleur pays, mais elles nous aident à être plus compétitifs au sein de l’économie mondiale d’aujourd’hui.

Le principal avantage concurrentiel du Canada – mis à part notre peuple – consiste en sa géographie et en sa richesse en énergie et en ressources naturelles. Avec sa superficie de près de 10 millions de kilomètres carrés de terres et de plans d’eau, le Canada est non seulement le deuxième plus grand pays du monde, il est aussi souverain sur la plus grande côte du monde, sur trois océans : l’Atlantique, le Pacifique et l’Arctique. Nous possédons la plus grande réserve d’eau douce du monde : 20 pour cent de l’eau dans le monde se trouve au Canada. Pensez-y, un pays qui compte seulement un demi de un pour cent de la population mondiale détient 20 pour cent des ressources hydriques du monde.

Notre potentiel est énorme. Nous possédons le troisième plus grand approvisionnement en pétrole brut du monde, soit 174 milliards de barils, dont la majeure partie se trouve dans les sables bitumineux. Plus important encore, ce que nous avons au Canada représente plus de la moitié des réserves pétrolières mondiales que le secteur privé peut mettre en valeur. Y a-t-il mieux pour attirer des investisseurs?

Pensez-y :

Le Canada arrive au premier rang dans le monde pour ses réserves de potasse et de titane, deuxième pour l’uranium, troisième pour le gaz naturel et l’aluminium, quatrième pour les diamants et cinquième pour le nickel. Nous possédons également d’importantes ressources de minerai de fer.

Nous sommes le troisième plus grand producteur d’hydroélectricité du monde et avons le potentiel pour au moins doubler notre capacité de production actuelle.

Et il est important de savoir que le secteur des ressources naturelles génère une part énorme de la richesse du Canada. En 2011, ce secteur a contribué directement à 15 pour cent du produit intérieur brut (PIB) nominal et à près de 800 000 emplois.

À cela, ajoutons 800 000 autres emplois dans d’autres secteurs, qui ont découlé de l’achat de biens et de services par le secteur des ressources.

Le Canada profite également d’un solide avantage concurrentiel en raison de son régime fiscal. Nous sommes le premier pays du G7 qui a mis fin à son déficit et a atteint l’équilibre budgétaire depuis l’importante récession de 2008-2009, la pire depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Nous avons également le plus faible ratio dette- PIB de tous les pays du G7 et enregistrons l’une des plus fortes croissances du PIB parmi ces pays. Le Canada est considéré comme le deuxième meilleur endroit au monde pour faire des affaires, derrière Hong Kong, et notre système bancaire est classé comme le meilleur au monde depuis six ans.

Pour ces raisons, et pour bien d’autres encore, le Canada fait l’envie du monde entier.

Les gens, la géographie, les ressources et les facteurs économiques fondamentaux, voilà ce qui constitue l’avantage canadien.

Notre plus grand défi est l’incertitude. Les projets du secteur des ressources nécessitent d’importants capitaux et s’échelonnent sur de très nombreuses années. Mais ces projets ne peuvent se réaliser s’ils sont tributaires de processus et d’examens interminables. La politique publique a un rôle crucial à jouer pour réduire cette incertitude et promouvoir le secteur canadien des ressources sur les marchés émergents.

Bien sûr, nous devons nous doter de politiques environnementales sensées, parce les Canadiens sont, avec raison, fiers de leurs milieux naturels. Mon gouvernement a été applaudi pour les mesures qu’il a adoptées en matière d’environnement, un facteur qui était primordial dans tous nos projets. J’ai eu l’insigne honneur d’être nommé le premier ministre canadien le plus vert de l’histoire par des groupes environnementaux de premier plan. Mais nous étions aussi toujours conscients de la nécessité d’assurer l’équilibre entre le développement durable et la croissance.

En termes simples, nous ne pouvons pas commercialiser nos ressources à l’échelle mondiale si nous ne sommes pas dotés des infrastructures – politiques et industrielles – pour les acheminer sur le marché.

C’est précisément pour cette raison que nous avons besoin d’un engagement national ferme afin de construire les infrastructures et les pipelines qui nous permettront de livrer nos abondantes ressources naturelles – notre avantage comparatif le plus important – sur les marchés mondiaux, notamment sur les marchés dynamiques de l’Asie, qui enregistrent la majeure partie de la croissance mondiale.

Nous avons besoin de pipelines pour transporter notre pétrole brut sur la côte Ouest et la côte Est et, de là, sur les marchés asiatiques. D’ici 2035, la consommation énergétique de la Chine devrait croître de 60 pour cent, dépassant celle des États-Unis. En Inde, la demande fera plus que doubler. Au cours des trois prochaines années seulement, le PIB de l’Asie devrait passer de 22 mille milliards de dollars à près de 30 mille milliards de dollars, une augmentation de 32 pour cent.

Les États-Unis demeureront notre principal marché, mais les problèmes causés par Keystone devraient nous avoir appris que nous ne pouvons pas compter exclusivement sur eux pour nos exportations.

Mais pour prospérer, le Canada doit acheminer ses produits sur le marché. L’ensemble du secteur de l’énergie et des ressources stagnera si les principaux acteurs et parties intéressées ne s’entendent pas.

Et qui sont-ils?

  • Les Premières Nations
  • Les provinces touchées qui contrôlent les ressources
  • Les gardiens de l’environnement

Sans leur participation active et leur collaboration enthousiaste, nos ressources naturelles demeureront inexploitées.

Un engagement national vigoureux pour mettre en valeur ces ressources et construire les infrastructures nécessaires doit s’accompagner de trois mesures essentielles :

  1. un partenariat fondé sur des principes avec les Premières Nations et les provinces qui fait abstraction des doléances économiques du passé – pour le moment – afin de saisir les occasions de l’avenir;
  2. un plan réaliste, où les nouvelles technologies serviront d’abord et avant tout à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Je dis délibérément « réaliste », parce que même si le Canada peut et devrait clairement en faire plus, notre responsabilité à l’égard de ce problème planétaire est relativement faible. Toutefois, nous pouvons et nous devons contribuer à résoudre ce problème; et
  3. un plan cohérent nous permettant de nous assurer que nous formons les gens pour tirer profit du potentiel de nos ressources.

Le Canada est une fédération dynamique. Nous ne sommes pas un État unitaire. Le gouvernement du Canada ne peut pas agir unilatéralement pour régler ce problème. Le gouvernement fédéral doit instaurer sans tarder des mécanismes de coopération avec toutes les parties intéressées pour s’assurer d’aller de l’avant dans l’intérêt du pays.

Imaginez seulement quel serait l’effet historique à l’échelle nationale du projet dont j’ai parlé ce soir. Il ferait du Canada l’un des pays les plus riches et les plus influents du monde et renforcerait considérablement sa souveraineté et notre capacité à exercer un leadership sain et efficace dans le monde.

La mise en valeur des ressources énergétiques et naturelles du Canada attirerait des centaines de milliards de dollars en nouveaux investissements, créerait des millions de nouveaux emplois et rapprocherait l’Ouest et l’Est, en plus de transformer le pays et de lui être plus bénéfique que n’importe quelle initiative politique d’importance mise de l’avant au Canada depuis les 70 dernières années.

Infometrica a estimé que les investissements prévus dans d’importants projets de mise en valeur des ressources pourraient produire une augmentation cumulative du PIB de l’ordre de 1,4 mille milliards de dollars, tout en procurant des dividendes à toutes les régions du Canada – et en particulier au Québec – et en créant plus de 6 millions de nouveaux emplois. Aucun autre secteur de notre économie n’offre de possibilités comparables pour notre prospérité à venir.

Le principal ingrédient pour réaliser ce grand projet est cependant le leadership.

Le leadership qui ne se contente pas de prévoir le besoin de changement, mais qui est décidé à mettre en oeuvre le changement. Non pas le leadership qui cherche à maintenir sa popularité, mais celui qui cherche à répondre aux intérêts du pays. Comme le président Clinton l’a dit un jour : « Leadership is the capacity to look around the corner of history, just a little bit ». Le leadership est le processus qui consiste non seulement à prévoir le besoin de changement, mais aussi à démontrer sa nécessité.

Le Canada est une démocratie moderne et florissante dont les réalisations et l’apport sont grandement admirés et appréciés partout dans le monde. En tant que pays prospère du G7, le Canada a fourni un appui énorme et a fait preuve d’un solide leadership au sein du Commonwealth, de la Francophonie, des Nations Unies et de ses organismes qui, tous, procurent des bienfaits incalculables et de l’aide aux pauvres, aux défavorisés et au dépossédés de la planète.

Être Canadien est un immense privilège dans ce monde tourmenté. Ce privilège nous apporte la sécurité et la prospérité et l’assurance de contribuer à la paix et à l’épanouissement des autres peuples sur la terre.

Des déserts brûlés de l’Afghanistan aux étendues glacées de l’Arctique, le Canada que nos enfants et petits-enfants connaîtront dans 50 ans sera défini par le leadership dont nous faisons preuve maintenant.

Si chacun de nous se rappelle que la liberté est le principal pilier de notre démocratie, ensemble, nous pourrons contribuer au bien-être de l’humanité, ce qui apportera honneur et paix au Canada et prospérité à tous ses citoyens.

Allocution de Brian Mulroney au dîner présidentiel 2015