À l’occasion de la Journée internationale des femmes, Me Claire Brassard, présidente de la section de droit Forum des femmes juristes de l’ABC-Québec et femme d’action, discute de la situation des femmes dans la profession juridique.
Question : Qu’est-ce que le Forum des femmes juristes?
Le Forum regroupe des femmes membres de l’ABC-Québec, qu’elle soit avocate, notaire, étudiante, professeure ou juge. Il fait la promotion des droits des femmes juristes et donne du rayonnement à leurs réalisations. Nous nous intéressons à tout ce qui touche leur condition et intervenons à ce sujet. En tant que juristes, nous sommes des femmes favorisées et éduquées. Nous sommes bien placées pour intervenir sur les questions de droit qui touchent les femmes en général; nous pouvons servir les autres femmes.
Le Forum organise des activités sur des enjeux qui touchent les femmes juristes. Qu’il s’agisse de rencontre avec d’anciennes avocates qui ont décidé de changer de carrière, pour se lancer en politique par exemple, de la représentation des femmes dans les conseils d’administration ou d’un bilan du Rapport Wilson sur la condition des avocates au Canada.
Ce forum existe dans les autres provinces. Au niveau canadien, nous avons fait adopter par l’ABC une résolution pour condamner le harcèlement en milieu de travail, particulièrement celui de nature sexuelle, et demander à tous les cabinets de faire de même. Nous appuyons également une législation qui commanderait aux compagnies publiques de compter autant d’hommes que de femmes sur leur conseil d’administration. Ce serait une loi de type « comply or explain », c’est-à-dire que si la représentativité n’était pas atteinte, l’entreprise devrait fournir des explications.
Question : Quelle est la situation des femmes dans la communauté juridique?
Il y a un grand mythe selon lequel l’égalité est acquise parce qu’elle l’est sur le plan juridique. Dans les faits, ce n’est pas le cas. Pour l’atteindre, il faut d’abord reconnaître qu’il y a des différences entre les femmes et les hommes.
Les femmes forment maintenant la moitié des membres du Barreau et pour la première fois cette année, elles sont plus nombreuses à sortir de l’École du Barreau. Je crois que la loi du nombre va finir par avoir son effet, mais non sans efforts.
Les femmes représentent seulement 30 % des avocats de pratique privée et seulement 20 % des associés dans les cabinets. Ce phénomène s’explique par le faible taux de rétention des femmes des cabinets qui n’offrent pas de conciliation famille-travail et où un congé de maternité peut être pénalisant au niveau professionnel. Une réflexion approfondie sur la manière d’améliorer les choses a été menée dans le cadre du projet Justicia.
Question : Quels changements espérez-vous voir au cours des dix prochaines années?
J’espère voir une meilleure représentation des femmes à la direction des grands cabinets et à tous les niveaux de la magistrature. Je souhaite également que les femmes juristes obtiennent une égalité des revenus en tenant compte de leurs différences.
Question : Qu’en est-il de la condition des femmes ailleurs dans le monde?
La situation est très préoccupante. Les femmes sont les grandes victimes des conflits qui font rage en Afrique et en Asie. Pour moi, la Journée internationale des femmes est l’occasion d’avoir une pensée pour ce qui se passe ailleurs et pour appuyer les organisations qui militent pour le droit des femmes partout dans le monde.