La diversité au sein de la profession juridique est un enjeu sur lequel l’ABC se penche depuis plus de 20 ans, d’abord avec la publication du rapport Les assises de la réforme : Égalité, diversité et responsabilité (Rapport Wilson) en 1993, puis avec la création de nombreux groupes pour en mettre en œuvre les recommandations, dont le Comité sur l’égalité. Le sujet est toujours d’actualité et a été soulevé récemment, tant par le rapport Avenirs en droit de l’ABC, que par le Forum - Pour une profession inclusive du Barreau du Québec. Le Comité égalité de l’ABC-Québec a participé au groupe de travail de ce dernier projet. C’est d’ailleurs pour s’assurer que chaque décision de l’ABC-Québec tienne compte des enjeux de diversité qu’a été créé le Comité, présidé depuis 2013 par Me Mathieu Bouchard, de Irving Mitchell Kalichman.
« Je me suis toujours intéressé aux questions de droits de la personne. J’ai déjà fait partie de la section de droit Constitutionnel et libertés civiles et je m’implique depuis quelques années dans la Conférence sur l'identité et l’orientation sexuelle (CORIS), qui se penche sur les enjeux touchant la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle et transgenre (LGBT) », explique Me Bouchard.
État des lieux
Afin que la population ait le sentiment que le système de justice est à son service, « l’ensemble de la communauté juridique doit en être représentatif », affirme Me Bouchard. Ce manque de représentativité est donc un problème pour la profession. « Il reste notamment du chemin à faire pour ce qui est de la représentation des femmes et des membres de la communauté LGBT », souligne l’avocat.
Le Forum – Pour une profession inclusive a publié son rapport La diversité ethnoculturelle dans la profession juridique en mai 2014 et dresse un portrait dramatique de la situation. « Par rapport à leur pourcentage dans la population, les groupes ethnoculturels sont sous-représentés dans la profession juridique. Ils sont surreprésentés en pratique solo, en droit de l’immigration ainsi qu’en droit de la famille, et très sous-représentés dans les grands cabinets. Par contre, les étudiants de l’École du Barreau présentent un pourcentage plus élevé de membres des groupes ethnoculturels que la population générale », résume Me Bouchard. Il y a donc de l’espoir même si les membres des groupes ethnoculturels éprouvent donc de la difficulté à être acceptés et ne connaissent pas la même progression de carrière.
Le milieu juridique est généralement conservateur. « Dans les cabinets, il y a souvent une peur de déplaire aux clients, que l’on suppose généralement plus conservateur qu’ils ne le sont », explique Me Bouchard. Cette attitude peut avoir des répercussions sur la composition du personnel de toute l’entreprise. « Par exemple, si le cabinet a un client que l’on pense homophobe, on évitera de recruter une personne qui pourrait lui déplaire et on optera plutôt pour des juristes que l’on juge susceptibles de servir toute la clientèle », illustre le président du Comité.
Les avantages de la diversité
Les avantages de la diversité sont pourtant nombreux, tant sur le plan des affaires que sociétal. Les membres des groupes ethnoculturels ont des approches différentes et des études empiriques ont démontré que les équipes les plus diversifiées ont plus de succès puisque cette caractéristique permet un meilleur brassage d’idées. Il est également payant de ressembler à sa clientèle, car cela permet de s’en rapprocher. De plus, certaines entreprises font la promotion de la diversité chez leur fournisseur de services.
Des pistes pour changer la donne
« La profession doit faire des efforts pour s’ouvrir d’avantage » aux personnes de différentes origines affirme Me Bouchard selon qui la culture du « fit » qui a cours dans les grands cabinets nuit à l’intégration de celles-ci. Le président du Comité égalité voit deux principales mesures pour permettre aux équipes des grands cabinets d’être plus diversifiées.
Il faudrait d’abord adapter le recrutement. Me Bouchard insiste sur l’importance du leadership dans le processus : « La décision doit venir de la direction des cabinets. » Selon lui, il faut également changer la définition du « fit », la liste des qualités recherchées pour arriver à recruter des gens qui ont du talent avec des outils différents.
Il est également primordial d’arriver à conserver les employés issus des groupes ethnoculturels au sein des grands cabinets. « La progression se fait beaucoup avec l’aide d’un mentor qui prendra un jeune juriste sous son aile et en fera la promotion auprès des autres associés du cabinet. Il lui donnera en quelque sorte les clés de la réussite. Il est naturel de mentorer quelqu’un qui nous ressemble; il faut faire un effort conscient pour intégrer les membres des groupes ethnoculturels », affirme Me Bouchard. Il importe donc de donner un accès égal aux mentors des cabinets.
Acquérir les outils pour passer à l’action
L’ABC propose plusieurs outils sur son site Trouvaille RARE pour favoriser la diversité au sein de la profession, allant des portraits de personnes issues des groupes minoritaires en passant par des guides pour favoriser l’embauche et la rétention du personnel. Elle a également créé un guide intitulé Mesurer la diversité dans les cabinets d’avocats afin de permettre aux entreprises de faire un état des lieux.
Le 18 mars prochain, le Comité égalité et l’Association canadienne des conseillers juridiques d’entreprises - Section Québec (ACCJE) tiendront un déjeuner-causerie intitulé Avantages, promotion et gestion de la diversité dans la profession juridique qui permettra de trouver des moyens de mieux vivre la diversité. C’est grâce aux efforts combinés de tous les acteurs de la communauté juridique que l’on parviendra à créer un système de justice plus représentatif de la population.
Liens utiles
Centre de ressources « Trouvaille RARE » de l’ABC
Mesurer la diversité dans les cabinets d’avocats - Un outil essentiel à un rendement supérieur
Rapport Avenirs en droit de l’ABC
Forum – Pour une profession inclusive, Rapport sur la diversité ethnoculturelle dans la profession juridique du Barreau du Québec