Me Pierre Gignac, un avocat qui allie différents professionnels pour une saine gouvernance

  • 13 janvier 2015
  • Stéphanie Parent, ABC-Québec

Pierre GignacRencontre avec Me Pierre Gignac, président de la section de droit Gouvernance, conformité réglementaire et éthique de l’ABC-Québec, dont la carrière atypique conjugue droit et gestion des risques. Il est actuellement directeur principal au sein de la fonction Risques d'entreprise de Deloitte à Montréal.

Question : Qu’est-ce qui vous amené vers le droit?

J’ai eu un intérêt pour le droit très tôt dans ma vie et être avocat a toujours figuré dans mes choix de carrière. Mon premier coup de foudre pour la profession, je l’ai eu vers l’âge de 15 ans alors que je lisais pour la première fois la Charte des droits et libertés de la personne. J’ai toujours été interpellé par les notions de justice, d’égalité et de non-discrimination, telles qu’elles sont articulées dans les chartes. Mon choix de carrière s’est ensuite confirmé durant mes études.

Question : Vous avez fait un détour par la pratique privée avant de vous joindre à Deloitte en 2004. Comment décrivez-vous votre parcours professionnel?

J’ai un parcours professionnel plutôt atypique. Je viens de Québec et j’ai fait mon droit à l’Université Laval et à l’École du Barreau de Québec. La grande ville m’attirait et je suis venu à Montréal pour faire mon stage. Malgré mon intérêt pour les droits et libertés de la personne, c’est en droit des affaires que j’ai débuté ma pratique. Après quatre ans en pratique privée, j’ai fait un retour sur les bancs d’école afin de compléter un MBA. Je souhaitais ainsi mieux comprendre certains aspects du monde des affaires et renforcer certaines habiletés, notamment sur le plan financier et de la gouvernance.

Question : Vous êtes donc devenu un spécialiste de la gouvernance d’entreprise. Comment utilisez-vous vos habiletés en gouvernance et en droit dans votre travail?

Je me considère comme un spécialiste de la gouvernance d’entreprise, de la gestion du risque et de la conformité, parfois collectivement appelées « GRC ». Le monde des affaires s’est beaucoup complexifié au cours des dernières années, de sorte que nos entreprises ont besoin de professionnels, qui ont non seulement de fortes compétences fonctionnelles, mais qui comprennent aussi les enjeux de gouvernance, de gestion des risques et de conformité. Mon travail consiste donc à aider mes clients à renforcer divers aspects de leur GRC et, bien sûr, ma connaissance générale du droit s’avère un atout indéniable à cet égard.

J’apprécie aussi le fait que la GRC n’interpelle pas seulement les avocats et les comptables au sein d’une organisation. Que l’on soit un spécialiste en ressources humaines, en droit, en comptabilité, en finances ou autre, la mise en œuvre des composantes de la GRC requiert inévitablement une collaboration entre des gens ayant des profils de compétence variés. C’est passionnant de pouvoir travailler dans un contexte multidisciplinaire, tout en faisant le pont avec le droit.

Question : Les questions de GRC, en particulier celles de conformité et d’éthique, occupent beaucoup de place dans l’actualité québécoise des dernières années. En quoi cela a-t-il influencé la gouvernance et la réglementation?

La conformité aux lois et règlements et l’intégrité dans la conduite des affaires sont parmi les piliers d’une saine gouvernance d’entreprise. Elles contribuent aussi au maintien d’un dispositif de contrôle interne robuste. Bien sûr, les entreprises qui ont des faiblesses au chapitre de la GRC  risquent d’ébranler la confiance de leurs parties prenantes. Au bout du compte, c’est leur réputation et leur image qui sont en jeu. De plus, les organismes de surveillance et de réglementation, comme l’Autorité des marchés financiers au Québec, ont grandement accru leurs attentes en la matière récemment. C’est pourquoi les entreprises assujetties à ces règles doivent maintenant adopter des programmes et des pratiques efficaces de GRC qui tiennent compte de leur réalité d’affaires, de la complexité de leurs activités et de leur profil de risques.

Dans le secteur financier, la crise financière de 2008-2009 a été un des éléments déclencheurs de cette nouvelle attention envers les questions de GRC. D’ailleurs, les régulateurs partout dans le monde, inspirés pour l’essentiel des normes et des orientations publiées par la Banque des règlements internationaux et d’autres organismes constitués par les pays du G20, ont grandement intensifié la réglementation des institutions financières et des groupes financiers. Ces nouvelles exigences ont un impact majeur sur les chefs de la conformité étant donné qu’ils assument un rôle important dans la gestion du risque de réglementation ou de non-conformité.

Même pour certaines entreprises qui mènent leurs activités au Québec, les enjeux de conformité et d’intégrité se sont également accentués ces dernières années, notamment à la suite de l’entrée en vigueur de la Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics (Québec). Cette loi impose de nouvelles obligations aux entreprises qui souhaitent s’engager dans des processus d’appel d’offres visant des contrats et des sous-contrats publics. Bien sûr, ces mesures s’ajoutent à d’autres obligations légales qui peuvent émaner du Parlement canadien, d’une législature d’une province ou d’une juridiction étrangère. En particulier, les entreprises qui mènent leurs activités à l’international doivent tenir compte des lois anticorruption, comme la UK Bribery Act britannique et la Foreign Corrupt Practices Act des États-Unis.

Le comité de la section de droit Gouvernance, conformité réglementaire et éthique de l’ABC-Québec a été créé en 2010, justement pour répondre aux préoccupations pour les questions réglementaires qu’ont les avocats et les conseillers juridiques d’entreprises, ici et ailleurs. Avant sa création il n’existait pas véritablement, au Québec du moins, de réseau formel et multisectoriel pour échanger sur les enjeux de GRC. Ces forums existaient, mais par secteur, par exemple dans les secteurs des valeurs mobilières ou de l’assurance. Pourtant, il y a des problématiques de conformité communes à toutes les industries. La possibilité de faire du réseautage est d’ailleurs un des principaux avantages que j’ai tiré de mon adhésion à l’ABC-Québec.

Je préside cette section de droit qui a un point de vue unique. Nous ne focalisons pas sur des points de droit spécifiques, mais plutôt sur ce qui devrait préoccuper le chef de la conformité d’une entreprise ou les dirigeants responsables de la GRC. Nous avons adopté cette approche, car les organisations d’aujourd’hui évoluent dans un monde complexe et en constante évolution. Dans ce contexte, il est important que les avocats soient à l’affût des bonnes pratiques en ce sens afin de pouvoir contribuer à la saine gouvernance d’une entreprise et la gestion efficace des risques.