Le nouveau Code de procédure civile (NCPC) est entré en vigueur en janvier dernier, étant d’application immédiate[1].
La Loi instituant le nouveau Code de procédure civile[2] est la première réforme complète du Code de procédure civile du Québec depuis 1965[3]. La révision a été amorcée en 1998 par la création du Comité de révision de la procédure civile qui a publié, en juillet 2001, son rapport intitulé Une nouvelle culture judiciaire. Le nouveau Code fait évoluer le droit procédural québécois dans la même direction que le fait le législateur depuis, principalement, la Loi portant réforme du Code de procédure civile[4] de 2002, dans la continuité de laquelle s’inscrit notamment la Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics[5] de 2009. Le nouveau Code accroit les pouvoirs et les devoirs du juge et des parties dans la gestion de l’instance[6] et accorde une grande importance aux modes de règlement extrajudiciaire des différends[7], à l’oralité[8], et à la proportionnalité[9]. L’intention du législateur est de favoriser l’accès à la justice, de hausser la qualité de la justice québécoise, et d’améliorer l’efficacité et la célérité du système judiciaire par la reconnaissance des modes privés et volontaires de prévention et de règlement des différends.
À titre comparatif, la dernière réforme majeure du Code de procédure civile français s’est terminée en 1976[10].
Depuis l’automne 2015, l’École du Barreau du Québec enseigne le NCPC et soumet tous les étudiants à des examens portant sur la nouvelle loi. Ceux assermentés à partir de ce moment forment la « génération NCPC ». Pour eux, dont je fais partie, le NCPC n’est pas un changement. Il s’agit de la procédure civile que nous avons apprise et que nous connaissons : c’est la nôtre. Nos professeurs nous l’enseignent sous toutes réserves de la jurisprudence future; ils nous présentent les nouvelles dispositions en en comparant l’interprétation avec l’ancienne loi, mais toujours en nous faisant savoir que « ça peut changer ». Nous n’avons pas modifié notre perspective sur la procédure civile, nous avons acquis une perspective conforme au nouveau Code.
Le processus de modernisation de la procédure civile du Québec, en cours depuis 1998, est-il achevé maintenant que le NCPC est en vigueur? Je ne le pense pas. En fait, nous ne sommes encore qu’au début du processus. C’est nous, la génération NCPC, qui est première responsable de l’achèvement de l’intention du législateur. Le législateur voulait réformer plus que la loi : il voulait réformer la justice civile au Québec… et les juristes de demain en sont partie intégrante.
Quelle sera la sanction de l’article premier et du Livre VII, qui disposent que les parties doivent considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant de s'adresser aux tribunaux? La disposition introductive referme-t-elle la boucle quant au caractère fondamental de la procédure civile discuté récemment par la Cour suprême[11]? Quel sera l’impact de mettre sur un pied d’égalité le Code civil, la Charte des droits et libertés de la personne[12] et le NCPC, comme le fait la disposition introductive? Quelle importance prendra le principe de proportionnalité? Comment les tribunaux feront-ils usage de l’article 9, qui inclut dans leur mission celle de favoriser la conciliation des parties? Comment sera interprété le devoir de coopération des parties de l’article 20? La jurisprudence de la Cour suprême depuis Lac d’Amiante[13] et Globe and Mail[14], selon laquelle la common law est supplétive du Code de procédure civile du Québec, sera-t-elle reconsidérée du fait que la disposition introductive pose que le Code s’interprète « dans la tradition civiliste »? Voilà quelques questions seulement dont la réponse viendra de nous.
Génération NCPC, à nous!
[1] Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01 (NCPC), art. 833.
[2] LQ 2014, c. 1.
[3] Code de procédure civile, LQ 1965, c. 80.
[4] LQ 2002, c. 7.
[5] LQ 2009, c. 12.
[6] Voir notamment les art. 19, 20, 158, 148 et 358 NCPC.
[7] Art. 1 à 7, 148 et Livre VII NCPC.
[8] Voir notamment l’art. 171 NCPC.
[9] Art. 18 NCPC.
[10] Décret n°71-740 du 9 septembre 1971 instituant de nouvelles règles de procédure destinées à constituer partie d'un nouveau Code de procédure civile; Décret n°72-684 du 20 juillet 1972 instituant de nouvelles dispositions destinées à s'intégrer dans la partie générale d'un nouveau Code de procédure civile; Décret n°72-788 du 28 août 1972 instituant une troisième série de dispositions destinées à s'intégrer dans le nouveau Code de procédure civile; Décret n°73-1122 du 17 décembre 1973 instituant une quatrième série de dispositions destinées à s'intégrer dans le nouveau Code de procédure civile; Décret n°75-1123 du 5 décembre 1975 instituant un nouveau Code de procédure civile; Décret n°78-329 du 16 mars 1978 instituant le Code de l'organisation judiciaire (1re partie); Décret n°78-330 du 16 mars 1978 instituant le Code de l'organisation judiciaire (2e partie) et abrogeant certaines dispositions relatives à cette organisation.
[11] Trial Lawyers Association of British Columbia c. Colombie‑Britannique (Procureur général), 2014 CSC 59.
[12] RLRQ, c. C-12.
[13] Lac d'Amiante du Québec Ltée c. 2858-0702 Québec Inc., 2001 CSC 51.
[14] Globe and Mail c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 41.