Se lancer avec une autre vision du droit

  • 11 avril 2017
  • Stéphanie Parent, ABC-Québec

Malgré la pluie, les étudiants en droit de l’ABC-Québec ont tenu leur traditionnel Vins et fromages le 6 avril dernier. La soirée s’est déroulée dans les locaux du cabinet Delegatus, situé dans le Vieux-Montréal. Deux conférenciers invités ont prononcé des allocutions fort stimulantes sous le thème « Pratiquer le droit autrement » : Me Frédéric Pérodeau, directeur principal des enquêtes à l’Autorité des marchés financiers, et Me Pascale Pageau, avocate et présidente fondatrice de Delegatus services juridiques inc.

« Qu’est-ce que je vais faire quand je serai grand? »

Me Frédéric Pérodeau est président national sortant de l'Association canadienne des conseillers juridiques d'entreprises (ACCJE) et président de sa section Québec. Il a auparavant été directeur du contentieux de l’Autorité des marchés financiers à Montréal, conseiller juridique à SNC-Lavalin et associé au sein du groupe de litige du cabinet McCarthy Tétrault à Montréal. Il est également président du Comité de l'inspection professionnelle du Barreau du Québec et membre du Comité d’accès à la profession du Barreau du Québec.

D’entrée de jeu, Me Pérodeau tient à préciser une chose aux étudiants présents : « Le parcours professionnel parfait n’existe pas, on ne peut pas toujours aller en ligne droite. » Il a ensuite présenté avec humour les événements qui ont marqué son enfance et son adolescence, de la victoire du Canadien de Montréal en finale de la Coupe Stanley en 1993 au visionnement du film Des hommes d’honneur (v.o. A Few Good men). Afin de complètement capter l’attention de son auditoire, il a révélé que Me Pageau et lui-même étaient issus de la même promotion de la Faculté de droit de l’Université de Montréal.

L’avocat raconte avoir suivi ce qu’il qualifie aujourd’hui de « parcours du chien savant » : course aux stages, stages et carrière en grand cabinet, ascension professionnelle typique. Un parcours rectiligne jusqu’en 2009, où un lunch avec un ami d’un autre milieu professionnel le pousse à réfléchir sur sa carrière. L’avocat réalise qu’il n’a toujours pas la réponse à la question « Qu’est-ce que je vais faire quand je serai grand? » Il constate également que la manière dont il pratique le droit ne lui convient plus et décide de modifier son approche; de perfectionniste, il devient optimaliste. C’est donc en 2010 qu’il fera le saut comme conseiller juridique d’entreprise à SNC-Lavalin, l’une des plus importantes firmes d’ingénierie au monde.

Me Frédéric PérodeauMe Pérodeau a ensuite souligné quelques différences entre la pratique en grand cabinet et celle de conseiller juridique d’entreprise. En cabinet, toutes les ressources de l’organisation sont orientées vers la production des services juridiques et les juristes ont accès à beaucoup de soutien. En entreprise, ce ne sont pas les juristes qui génèrent les profits et ils ont donc accès à moins de moyens et doivent contrôler leurs dépenses.

Pour Me Pérodeau, le conseiller juridique d’entreprise a un rôle de vulgarisateur, car il doit adopter le langage de l’entreprise. « Les locutions latines, ça ne fonctionne pas avec les ingénieurs! », illustre-t-il. Il faut donc montrer que l’on partage les mêmes préoccupations et que l’on fait partie de la solution. Pour y arriver, « le conseiller juridique d’entreprise doit avoir une compréhension holistique de son entreprise », ajoute-t-il.

Pour l’avocat, les juristes d’entreprise sont également les gardiens de la réputation de leur organisation et, dans ce contexte, il est primordial pour eux de respecter leurs valeurs. « Nous jouons un rôle de boussole morale, explique Me Pérodeau. Plus on avance dans sa carrière, plus on court le risque de se retrouver dans une situation où on devra dénoncer des comportements. La moralité devra l’emporter sur les pratiques commerciales. Et il faut accepter que l’on puisse être mis à pied pour cela. »

En conclusion, Me Pérodeau a conseillé aux étudiants présents de toujours se poser la question « Qu’est-ce que je vais faire quand je vais être grand? » afin de trouver leur place et leur façon de faire.

Adapter la pratique à ses besoins

Me Pascale PageauMe Pascale Pageau a passé les sept premières années de sa carrière au sein de deux grands cabinets. Carriériste sans complexe, elle travaillait de 1 800 à 2 000 heures par année et était très heureuse. Elle est aujourd’hui présidente fondatrice et actionnaire de Delegatus, un cabinet d’avocats qui propose une autre manière d’offrir ses services juridiques afin de répondre aux besoins des entreprises et des juristes. Elle se consacre également à la promotion des femmes dans la profession juridique, que ce soit en s’impliquant auprès de diverses associations de juristes ou auprès des réseaux de femmes d’affaires.

C’est à l’arrivée de son premier enfant qu’elle réalise que le contexte des grands cabinets fait en sorte que ce sont les femmes qui doivent faire des changements. Elle affirme avoir souffert de la culture de la présence au bureau. Lors de sa deuxième grossesse, elle se questionne au point de se demander si la profession d’avocate est réellement pour elle et envisage un retour aux études en psychologie. Mais elle « revient à la raison » et entreprend plutôt de créer l’environnement dont elle a besoin avec un horaire plus adapté à sa réalité. « Une carrière en cabinet ne me convenait plus dans à ce moment de ma vie, mais je voulais continuer à pratiquer », indique-t-elle.

En se basant sur les préoccupations des avocats et des clients, elle a pu dessiner un cabinet qui répondait aux besoins des entreprises. « Nous avons réfléchi à une façon différente de faire, nous avons osé rebrasser les cartes, tout en restant fidèle à nous-mêmes », résume la chef d’entreprise.

If your dreams don't scare you they're nof big enough.Elle a invité les étudiants à remettre en question le fonctionnement des grands cabinets et à envisager d’autre façon de pratiquer. Que leur choix se pose sur la pratique en cabinet, en entreprise ou le droit social, « l’important est de respecter ses valeurs et ses besoins », déclare-t-elle.

Pour Me Pageau, l’apprentissage est un processus sans fin, dont les échecs font partie. « Au cours des cinq prochaines années, vous allez sortir de votre zone de confort, a-t-elle affirmé aux futurs juristes. Mais essayer d’avoir du fun quand ça arrive. » De plus, elle incite les étudiants à s’impliquer, car cela leur permettra de se dégêner, de gagner en confiance et de développer leur réseau, utile tant pour effectuer un changement de carrière que pour trouver des clients. « Ça a changé ma vie », témoigne l’avocate-entrepreneure.

Me Pageau a conclu sa présentation par une vibrante déclaration : « Pratiquer autrement, c’est comment vous aller pratiquer. »

Après les allocutions, les étudiants ont pu discuter avec les conférenciers et réseauter en dégustant vins et fromages offerts par l’Association. Cette soirée a été rendue possible grâce au soutien de l’AABC, de SOQUIJ et de Delegatus, ainsi que grâce à la généreuse participation des conférenciers. De plus, l’AABC a fait tirer une carte Visa prépayée de 100 $ parmi les étudiants présents, c’est M. Hugo Van Branteghem de l’Université de Montréal qui a remporté le prix.

Encore cette année, les étudiants en droit ont pu faire le plein d’inspiration et de pistes de réflexion avant d’entamer leur carrière qui pourrait les mener vers des horizons insoupçonnés.

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Mme Elithaki Katsipis, représentante de l'AABC, M. Hugo Van Branteghem, gagnant de la carte Visa prépayée de 100 $, M. Renaud Charest, président de la section de droit des Étudiants et étudiantes, et Me Stéphane Lacoste, président de l'ABC-Québec.