Le système judiciaire québécois connait son lot de difficultés qui soulèvent la question de la saine administration de la justice. Les conseillers juridiques d’entreprise ne sont pas souvent inclus dans cette réflexion, un manque qu’est venue combler l’activité de formation de l’ABC-Québec du 18 novembre dernier.
C’est devant une salle bien remplie que Me Nathalie G. Drouin, sous-ministre de la Justice, l’honorable François Rolland, juge en chef de la Cour supérieure du Québec, et Me Fred Headon, avocat à Air Canada et président sortant de l’Association du Barreau canadien, ont abordé les problèmes du système de justice et proposé des pistes de solution aux participants.
Un système saturé
Délais qui s’allongent, salles d’audience utilisées à pleine capacité; le système de justice peine à répondre à la demande. Le juge Rolland a d’ailleurs présenté quelques chiffres frappants qui illustrent ce manque de ressources :
- 4 : nombre de postes de juge à nommer à la Cour supérieure du Québec
- 47 mois : délai pour obtenir un procès au civil entre sociétés
- 167 : nombre de plaideurs quérulents à la Cour supérieure du Québec
- 35 000 : nombre de personnes devant être rencontrées pour former les jurys des deux derniers procès liés à l’Opération SharQc menée contre les motards criminalisés
Selon la sous-ministre, la solution ne peut pas se résumer à l’augmentation des budgets et des ressources humaines. « Il faut montrer que l’on fait les choses différemment. Il ne faut pas utiliser la Cour pour rien, » explique-t-elle avant de citer le cas d’un vol à l’étalage d’une valeur de 5 $ qui s’est retrouvé devant un juge. « Le tribunal ne peut plus être le premier forum pour régler les conflits » plaide le juge Rolland pour qui un passage devant la Cour doit être une solution de dernier recours.
Des pistes de solutions
Plusieurs outils existent pour améliorer la situation, qu’il s’agisse de la médiation, de l’arbitrage ou de la conférence de règlement à l’amiable. Cette dernière est « l’outil du 21e siècle » selon le juge Rolland qui ajoute qu’elle pourrait servir pour régler la majorité des conflits. La clé est dans « l’utilisation appropriée des modes de résolution de conflit » explique la sous-ministre.
Le recours plus important aux outils de la justice participative passe par un changement de la culture adversariale présente, tant chez les avocats que chez leurs clients. Cette transformation sera favorisée par l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile en janvier 2016.
Il devient donc important pour les conseillers juridiques d’entreprise de connaître la médiation pour trouver des solutions de la manière la plus efficace possible pour leur client selon Me Headon. Dans ce contexte, le juge Rolland appelle les avocats à « se parler des vraies affaires » pour résoudre les conflits et ajoute qu’il ne faut pas désespérer et que presque tous les conflits peuvent se régler hors Cour.
Les conférenciers ont également soutenu que les conseillers juridiques sont les experts de leurs dossiers. Ils ne doivent donc pas hésiter à demander aux avocats en pratique privée dont ils retiennent les services de changer leur manière de faire afin de résoudre les différends en minimisant les procédures.
L’événement s’est terminé par un appel de Me Headon à ses confrères conseillers juridiques d’entreprise : « Nous sommes des membres à part entière de la profession, nous avons un rôle à jouer. »
Photo : Me Frédéric Pérodeau, président de l'ACCJE, Me Fred Headon, avocat à Air Canada et président sortant de l’Association du Barreau canadien, Me Nathalie G. Drouin, sous-ministre de la Justice, et l’honorable François Rolland, juge en chef de la Cour supérieure du Québec.