Daniel-Sedar Senghor ne s’en cache pas : il a brigué la présidence de l’UINL afin de faire bouger les choses. Il est d’ailleurs en pays de connaissance. Son grand-oncle, le célèbre Léopold-Sedar Senghor, poète sénégalais, fut président de son pays, premier Africain nommé à l’Académie française et père de la Francophonie.
« L’un de mes principaux objectifs est de démontrer la pertinence économique de l’acte authentique, dit Me Senghor. Aujourd’hui, l’acte notarié est très contesté dans le monde. La plus grande puissance mondiale, les États-Unis, et des organismes comme le FMI ou la Banque mondiale, ignorent l’acte authentique notarié. »
Fort de ce constat, Me Senghor ne s’avoue toutefois pas vaincu. Tout d’abord, parce que le notariat fait des percées au pays de l’Oncle Sam, notamment sous la forme du Civil Law Notary et de la National Association of Civil Law.
« Le gouverneur de la Floride, explique-t-il, a fait voter une loi pour faire installer un notariat dans son État, car une partie de l’électorat, c’est-à-dire les communautés hispanophones, est demandeur de cette sécurité juridique. Par effet domino, je crois qu’il est possible d’étendre ce mouvement dans les États du sud et même en Californie. »
Autre élément, et non le moindre, qui joue en faveur du notariat : la Chine s’est ralliée à la cause de l’acte authentique. « Que la Chine ait intégré le système notarial est quelque chose d’énorme », lance Me Senghor.
Au cours de son triennat, Daniel-Sedar Senghor entend également se pencher sur le notariat électronique, de même que les partenariats publics-privés.
« La dématérialisation de l’acte, la signature électronique et la télétransmission de l’écriture authentique en direction des fichiers publics sont un incontournable, dit-il. Il faut vivre avec son temps, moderniser la profession. Certains endroits, comme le Québec, sont très avancés à cet égard. J’aimerais mettre en place une bourse de partenariat de manière à ce que les pays les plus avancés puissent accompagner les moins avancés dans cette migration technologique. »
Quant aux partenariats publics-privés, Me Senghor croit que les notaires de la planète devraient s’y intéresser davantage.
« C’est la nouvelle forme de contrat la plus importante. Et paradoxalement, je ne crois pas que le notariat fasse plus de 1 % du chiffre d’affaires mondial dans les partenariats publics-privés. Pourtant, contrat égale notaire et notaire égale contrat. Nous devons nous doter d’un outil nous permettant d’apporter une réponse crédible à ce marché. Il s’agit d’écrémer sur les 86 notariats membres de l’UINL les notaires qui ont de l’expérience dans ce domaine et de les fédérer dans une sorte d’agence internationale pour les contrats des partenariats publics-privés. »
Fin stratège
Me Senghor est, à n’en point douter, un fin stratège. En devenant le premier Africain à se faire élire, il a, pour ainsi dire, brisé la domination des pays d’Europe et des Amériques, lesquels se sont longtemps succédé à la présidence de l’UINL.
« Avant moi, 26 présidents sont passés, explique Me Senghor. Treize sont venus d’Europe et treize des Amériques. Il y avait donc un principe d’alternance entre les continents. Or, personne n’a vu venir l’idée que l’Afrique pourrait s’intéresser à la présidence », explique celui qui a été plébiscité en août 2013 au Pérou.
Le notaire sénégalais a donc bien analysé la situation. Comme la présidence devait en principe revenir dans les Amériques, c’était le temps ou jamais de faire le saut. « Les Amériques ont 22 membres et l’Afrique, 19 membres. En termes sportifs, l’Amérique était prenable », dit-il.
Après avoir « forgé une solidarité africaine », Me Senghor a méticuleusement courtisé un à un les plus petits pays européens, prenant soin de leur présenter son programme. « Je savais que je pouvais tabler sur l’exaspération des petits pays européens qui n’acceptent plus le diktat et la mainmise des grands pays sur l’appareil notarial. Au moment des élections, j’avais 25 pays derrière moi. »
Le président de l’UINL l’avoue sans ambages : « Je ne suis pas au service du notariat. Le notariat ne m’intéresse que parce qu’il est l’instrument de promotion d’une culture juridique en laquelle je crois. Parce que je pense que le meilleur système de preuve en droit, c’est la préconstitution par un écrit authentique sous la garantie et le sceau de l’État. Si nous croyons que notre système est un bon système, nous avons le devoir de mener une action de promotion de ce système. »
Lors de son passage au Canada, le nouveau président de l’UINL, Me Daniel-Sedar Senghor a tenu à rencontrer la très honorable Michaëlle Jean. L’ancienne gouverneure générale du Canada veut succéder à Abdou Diouf à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie. « Je vais à sa rencontre pour lui offrir mon soutien, lui expliquer ce qu’est le notariat, quel est l’interaction entre l’écrit authentique et la culture d’expression francophone, explique Me Senghor. Et combien il sera utile pour elle le jour où elle sera secrétaire générale d’apporter un soutien au notariat en retenant que le notariat est un instrument fort au service de la politique francophone qui sera la sienne. Je suis également le petit-neveu du fondateur de la Francophonie. La francophonie s’appelle Senghor. »
Première photo : Me Gérard Guay, président de la Chambre des notaires du Québec et Me Daniel-Sedar Senghor, président de l’UINL
Deuxième photo : Me Daniel-Sedar Senghor, président de l’UINL et la très honorable Michaëlle Jean