Des outils pour résoudre les cas d’enlèvement international d’enfants

  • 28 septembre 2015
  • Stéphanie Parent, ABC-Québec

La Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, dite Convention de La Haye, est un outil souvent méconnu des juristes qui peut pourtant permettre de réunir des familles parfois séparées dans des circonstances dramatiques. Cette Convention a été mise en vigueur au Québec par la Loi sur les aspects civils de l’enlèvement international et interprovincial d’enfants mis en vigueur le 1er décembre 1983, l’entente sera le sujet d’un mini-colloque de 3 heures des sections de droit Immigration et citoyenneté et de la Famille l’ABC-Québec le 22 octobre prochain.
 
Les aspects essentiels de la Convention seront présentés par les conférencières Me Patricia Fourcand, du cabinet Miller Thomson, Me Sonia Heyeur, du cabinet Heyeur avocate, Me Caroline Harnois, du cabinet Lavery, De Billy, et Me Claudia Andrea Molina, du Cabinet Molina. La modération sera assurée conjointement par Me Claudia Andrea Molina, également Coordonnatrice - Réfugiés et Motifs humanitaires de la section de droit Immigration et citoyenneté, et Me Stéphane Pouliot, du cabinet Pringle avocats et président de la section de droit de la Famille. Les exceptions au retour, la représentation des enfants en droit de la famille, les règlements hors cour, la jurisprudence récente, le droit de l’enfant à présenter ou non une demande de refuge, la représentation de l’enfant à l’immigration et l’application de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant seront parmi les sujets abordés. Les décisions les plus récentes en matière de Convention de La Haye et du droit du refuge seront également présentées.

La Convention s’applique à une multitude de cas dont ceux impliquant le « déplacement illicite » ou le « non-retour illicite » d’un enfant dans un autre État en violation d’un droit de garde ou de visite existant. « Il s’agit de cas où un enfant de moins de 16 ans est enlevé et amené dans un autre État qui est également partie à la Convention. Les autorités du pays dans lequel l’enfant a été amené doivent renvoyer l’enfant dans le pays où il a sa résidence habituelle, exception faite de certaines situations », explique Me Molina.

La Convention peut également être invoquée comme exclusion à la demande d’asile au Canada du parent ravisseur sous l’article 1 Fb) de la Convention relative au statut des réfugiés.

Des clauses méconnues

Me Harnois prévient qu’une « décision prise en vertu de la Convention de La Haye n’est pas une décision sur le fond de la garde, mais simplement un débat quant à savoir de quel État sont les tribunaux les mieux placés pour décider de la garde de l’enfant. » Il s’agit normalement des tribunaux de l’État de résidence habituelle de l’enfant. « C’est l’aspect le plus méconnu de la Convention », souligne la conférencière. Les juristes désirant faire appel à cette entente doivent donc s’assurer d’en connaître les subtilités.

Parmi les aspects à mieux connaître, notons les exceptions au retour et le droit de l’enfant d’être entendu sur son désir de retourner ou non au pays devant Citoyenneté Immigration Canada (CIC), l’Agence des services frontaliers (ASF), la Commission de l’immigration et du statut de réfugié au Canada (CISR) et la Cour supérieure.

De plus, le texte n’est pas appliqué de manière uniforme par tous ses pays signataires. Plusieurs dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant peuvent s’appliquer aux affaires d’enlèvement international d’enfants et fournir une orientation à cet égard.

Me Harnois précise également que l’interrelation avec les demandes de La Haye et les demandes d’asile représente un défi important. « À la base, la Convention de La Haye est mal connue, même des avocats en droit familial, et certains ont parfois tendance à confondre avec les dossiers de garde, ajoute l’avocate. Certains méconnaissent la notion d’urgence qui doit guider le traitement de la demande de retour. » Notons également que les tribunaux imposent souvent des engagements qui ont parfois tendance à alourdir le processus et faire encourir des délais additionnels. La Cour d’appel a d’ailleurs récemment rendu un jugement intéressant à ce sujet qui sera abordé lors du mini-colloque.

La situation canadienne

Malgré les efforts déployés par de nombreux intervenants, aucune source ne donne une idée du problème que ce soit au Canada ou à l’étranger selon le Rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne de juillet 2015. Le Comité y recommande une application uniforme de la Convention parmi la magistrature au Canada et dans les autres États parties et souligne qu’il y a encore beaucoup de travail à faire encore pour faire connaître la Convention de La Haye sur l’enlèvement.

« Il existe d’importantes et fascinantes questions juridiques non réglées encore à ce jour que tout praticien se doit de connaître afin de faire évoluer le droit et mieux protéger les enfants victimes », résume Me Molina. Un résumé de ces causes sera d’ailleurs présenté lors de la formation par Me Caroline Harnois.

Il est également inquiétant que plusieurs cas d’enlèvement demeurent non reportés selon Me Molina. « Par exemple, dans le cas où des enfants victimes d’enlèvement sont inclus dans des demandes d’asile au Canada sans jamais avoir de représentation ou de possibilité de se faire entendre, la Convention ne sera pas appliquée ou son application sera retardée », explique-t-elle.

La législation québécoise

Au Québec, la Convention a été enchâssée dans la Loi sur les aspects civils de l’enlèvement international et interprovincial d’enfants. Dans ce contexte, si un enfant résidant habituellement au Québec est enlevé vers un pays signataire, le parent québécois pourra contacter le ministère de la Justice et obtenir l’assistance de l’Autorité centrale du Québec qui verra à aviser les autorités responsables du pays dans lequel l’enfant se trouve. Les autorités respectives collaboreront dès lors pour retracer l’enfant et voir à son retour volontaire ou par voies judiciaires.

Mais dans le cas où l’enfant a été enlevé vers une autre province du Canada, c’est la Loi sur le divorce qui s’applique. Le parent pourra obtenir l’exécution forcée de son ordonnance de garde. Si les parents sont conjoints de fait, le parent pourra obtenir la reconnaissance et l’exécution du jugement de garde.

Les pays non-signataires

93 pays ont signé la Convention et 104 États sont non parties, majoritairement en Afrique et en Asie. Or, ce nombre change. « Lors de la formation, nous expliquerons en détail comment trouver les États parties mais aussi les États parties avec lesquels nous avons des relations conventionnelles », explique Me Harnois.

Mais en cas d’enlèvement d’enfant vers l’un de ces pays non-signataires, la situation devient plus difficile, car la Convention ne peut être invoquée. Selon Me Harnois, « on peut s’adresser aux tribunaux du pays de refuge ou on peut parfois obtenir une ordonnance de garde ici et la faire reconnaitre dans le pays en question. » Dans ces situations, les services consulaires peuvent être utiles pour assurer le bien-être de l’enfant, son éducation et sa santé à savoir, être bien nourri et avoir accès à des soins médicaux.

La représentation de l’enfant

L’attribution d’un procureur à l’enfant est délicate et soulève de nombreux enjeux qui seront abordés lors de la formation. En effet, « Certains juges refusent ou sont réticents à entendre des enfants, les considérant parfois trop jeunes pour nommer un procureur, alors qu’il y aurait dans certains cas intérêt à ce que ces enfants soient entendus et puissent sans délai exprimer leur désir de retourner au pays ou le fait qu’ils sont victimes de violence », affirme Me Molina.

Il devient alors primordial pour le procureur nommé à l’enfant d’éviter toute apparence de conflit d’intérêts et d’établir une relation de confiance avec l’enfant. Le procureur doit être en mesure de représenter l’enfant dans les limites de son expertise et savoir référer ou se faire aider ou remplacer lorsque nécessaire. Il en va de même pour les représentants désignés nommés à la CISR.

Outiller les juristes

Des outils et procédures pour mieux représenter les enfants devant la Cour supérieure, la CISR, CIC et l’ASFC en invoquant les instruments internationaux que le Canada a ratifiés et qui sont en harmonie avec la Convention seront présentés aux participants à la formation. Ceux-ci recevront également des conseils pratiques auxquels se référer dans le cadre de leurs dossiers impliquant la Convention de La Haye et la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés.

De plus, lors de ce mini-colloque, les avocats auront une liste des instruments internationaux qui doivent être plaidés, une liste des Directives du Président applicables aux enfants et des modèles de procédures applicables devant la CISR lors de la représentation d’un enfant demandeur d’asile. Ils apprendront également à faire face aux demandes de remise en matière de demande d’asile qui retardent parfois le retour d’enfants désirant retourner dans leur pays.

« Nous invitons tous les juristes qui désirent mieux représenter les enfants et intéressés à mieux connaître l’interrelation entre les demandes de La Haye et les demandes d’asile à participer », déclare Me Molina. Il s’agit de l’occasion parfaite pour adopter de meilleures pratiques et être à jour sur la jurisprudence en la matière.

Le niveau de participation à cette conférence servira également à vérifier l’intérêt pour la création d’une section de droit de l’enfant multidisciplinaire au sein de l’ABC-Québec.

S’inscrire à la formation La Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants : droit de l’enfant et demandes d’asile.

3 heures de formation reconnue par le Barreau du Québec.