Lors de la dernière réunion du Conseil de l’Association du Barreau canadien, Division du Québec (l’« ABC-Québec »), tenue le 26 mars 2015 à Montréal, j’ai invité les deux candidats à l’élection pour le poste de Bâtonnier du Québec, Me Lu Chan Khuong, Ad. E., et Me Luc Deshaies, à venir présenter leurs programmes respectifs devant notre plus haute instance. Je leur ai aussi posé des questions précises sur la mobilité des avocats, la formation des avocats et l’accès à la profession, le rôle du Barreau du Québec en matière de formation continue et de défense de la primauté du droit. Je vous invite à consulter nos questions et à voir l’enregistrement vidéo que nous avons réalisé de cette présentation ci-dessous. Je suis par ailleurs heureux de vous faire part des faits saillants de cet échange avec nos candidats.
Formation continue
Pour les deux candidats, la question semble entendue : le Barreau du Québec devrait limiter son rôle à titre de dispensateur de formation continue aux matières relevant de l’éthique et de la déontologie, et laisser le champ libre aux autres dispensateurs, au premier chef l’ABC-Québec, pour les autres matières. Actuellement, le Barreau du Québec tend à viser dans toutes les directions et cet engagement des deux candidats à limiter la sphère d’intervention de notre ordre professionnel reçoit l’accueil favorable de l’ABC-Québec.
Défense de la primauté du droit
Le Barreau du Québec est d’abord et avant tout un ordre professionnel dont la mission première est d’assurer la protection du public. Cependant, au fil des ans, le Barreau a étendu sa mission, d’abord en matière de formation continue des avocats, puis en ce qui a trait à la représentation de ses membres et à des prises de positions publiques variées relativement à la défense de la primauté du droit. Est-ce que le Barreau du Québec devrait se recentrer sur sa mission première, qui est la protection du public?
Ici encore, à quelques nuances près, nos deux candidats se montrent favorables à ce que l’ordre se consacre principalement à la protection du public et laisse le soin à d’autres, dont l’ABC-Québec, la tâche de défendre la primauté du droit.
Pour Me Lu Chan Khuong, cependant, le Barreau du Québec devrait être sur toutes les tribunes pour expliquer le système de justice aux citoyens. Quant à Me Luc Deshaies, ce dernier soutien que le Barreau ne doit intervenir que dans des cas fondamentaux qui menacent l’intégrité de la profession et du système de justice. Les deux candidats se montrent très ouverts à développer une collaboration plus étroite à l’avenir avec l’ABC-Québec en matière de formation continue et de défense de la primauté du droit.
Formation des futurs avocats et accès à la profession
Sur ces questions, les positions sont moins tranchées. Pour Me Luc Deshaies, le Barreau du Québec ne saurait imposer un parcours obligatoire aux étudiants des facultés de droit avant l’admission à l’École du Barreau, et ce, en vertu de son respect du principe de la « liberté académique universitaire ». Cependant, il se montre ouvert à l’idée d’éventuellement revoir le programme de formation de l’École du Barreau, ajoutant qu’à sa connaissance, ce programme inspirait actuellement d’autres barreaux à l’échelle du pays. Quant au contingentement de la profession, Me Deshaies prône d’avantage l’exploration des carrières alternatives en droit, tel que le suggère le rapport Avenirs en droit – Transformer la prestation des services juridiques au Canada, rendu public en août 2014 par l’ABC.
Pour Me Lu Chan Khuong, elle veut davantage impliquer les jeunes dans le Barreau et, en cela, favoriser l’accès à la justice, entre autres en diminuant les exigences en termes d’heures de formation continue obligatoire de 30 à 15 heures, mais en obligeant les avocats à donner 15 heures de leur temps pour du travail pro bono.
La mobilité des avocats
Enfin, concernant ce dernier enjeu, Me Luc Deshaies rappelle qu’alors qu’il était Bâtonnier de Montréal en 2013-2014, il avait fait la tournée des grands bureaux et n’avait pas reçu d’objection, sauf de la part d’un cabinet. Pour lui, la mobilité est dans l’air du temps et bénéficiera tant aux avocats du Québec qu’à ceux des autres provinces. Reste à voir comment le gouvernement du Québec et l’office des professions régleront la délicate question de l’admission d’avocats au Barreau du Québec qui ne connaîtraient pas les rouages du droit civil, et la possibilité pour ceux-ci de ne chercher l’obtention de ce permis de pratique que dans le but d’une nomination éventuelle à la Cour suprême du Canada, dans la foulée de l’affaire Nadon.
La vice-présidente du Barreau du Québec, Me Lu Chan Khuong, indique de son côté qu’à sa connaissance, la porte pour l’acceptation de cette entente sur la mobilité des avocats est fermée à double-tour et qu’il serait surprenant que la Loi sur le Barreau soit modifiée en ce sens par le législateur.
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L’ABC-Québec est fière d’avoir été la première tribune, et actuellement la seule, qui ait permis à ce jour un échange vivant avec les candidats à cette importante élection, alors que la nouvelle gouvernance de notre ordre entrera en vigueur. L’ABC-Québec se veut la voix et le soutien de la profession au Québec et cela fait partie de sa mission que de surveiller ce qui se passe au Barreau! Il est d’ailleurs étonnant que le Barreau du Québec, comme le relevait Me Julie Latour lors de la réunion du Conseil de l’ABC-Québec, n’invite pas les candidats à la présente élection à débattre en public ni ne leur donne accès aux pages du Journal du Barreau. C’est une situation en effet étonnante et nous souhaitons que le Barreau y remédie.
Au nom de l’ABC-Québec et en mon nom personnel, je remercie nos deux candidats d’être venus à notre rencontre, d’avoir aimablement présenté leurs plateformes et d’avoir répondu à nos questions. Me Lu Chan Khuong, Me Luc Deshaies, je vous souhaite à tous deux la meilleure des chances dans la suite de vos campagnes et j’invite maintenant tous nos confrères et consœurs à se prévaloir nombreux de leur droit de vote!
Photo : Me Luc Deshaies, Me Antoine Leduc et Me Lu Chan Khuong