Le travail juridique dans le domaine de la santé mentale comporte des défis qui lui sont propres. L’Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ, anciennement Hôpital Robert-Giffard) aujourd’hui intégré au CIUSSS de la Capitale-Nationale et la Cour supérieure du district judiciaire de Québec ont développé une solution qui permet d’améliorer le traitement des dossiers en matière de santé mentale en aménageant une salle de cour à même les murs de l’établissement de soins. L’ABC-Québec présentera une formation intitulée La Cour supérieure à l’Hôpital : présentation d’une nouvelle réalité du district judiciaire de Québec le 12 novembre prochain.
Le résultat d’une collaboration unique
Une salle d'audience permanente a été aménagée à même les infrastructures de l’IUSMQ depuis le 6 septembre 2012. Ce projet pilote, une première au Québec, vise à améliorer les services dispensés aux usagers en santé mentale et à favoriser leur rétablissement tout en protégeant leur dignité. Cette salle est principalement utilisée pour les auditions en droit de la personne et le consentement aux soins. Le Tribunal administratif du Québec y tient également des auditions de la Commission d’examen des troubles mentaux en vertu du Code criminel. L’endroit pourrait également être utilisé pour les auditions en matière de garde en établissement par la Cour du Québec.
Cette innovation est le fruit du travail concerté de l’établissement de santé et de la Cour supérieure. L’approche utilisée traduit la volonté du juge en chef associé de la Cour supérieure du Québec, l’honorable Robert Pidgeon, de rapprocher la magistrature des justiciables dans les dossiers touchant à la santé mentale. Il était d’ailleurs primordial pour ce dernier de traduire l’évolution de la jurisprudence et de suivre les recommandations de la Cour d’appel du Québec en matière de soins pour ce projet.
Lors de la conception du projet, il était également impératif que les juges conservent leur indépendance et que les usagers ne perçoivent pas l’établissement de santé comme juge et partie dans ce processus.
Des avantages tant pour les usagers que les avocats
Me Marie-Nancy Paquet, organisatrice de la formation, membre de la section de droit de la Santé et avocate au cabinet Morency, Société d'Avocats, est elle-même une utilisatrice de cette salle d’audience. Elle explique que cette façon de faire comporte plusieurs aspects positifs. Pour les usagers d’abord, il s’agit d’un environnement plus propice. « Un palais de justice a une connotation criminelle et les usagers l’expriment souvent en ces termes: "Je n’ai pas commis de crime" », illustre l’avocate. L’usager évite ainsi le stress d’un déplacement et de la confrontation à un environnement perçu comme négatif.
La salle d’audience de l’IUSMQ permet d’éviter le passage par la Chambre de pratique pour les requêtes d’autorisation de soins. « Ces demandes sont prioritaires et passent avant les autres, indique Me Paquet. De plus, cette salle est le plus souvent bondée et, bien que l’on fasse sortir les non-juristes pour l’audition des requêtes, ce n’est pas le lieu le plus propice à ce type de dossier. »
Les installations de l’IUSMQ comprennent, en plus de la salle d’audience, un bureau pour les rencontres de l’usager avec son avocat et deux bureaux pour les avocats des établissements de santé. Elles facilitent également le témoignagedes psychiatres, ce qui est apprécié des juges qui pour leur part, peuvent se consacrer à ce type de cause pour une journée entière.
L’occasion de réfléchir aux façons de faire
La formation sera donnée par l’honorable Suzanne Hardy-Lemieux, juge de la Cour supérieure du Québec qui a porté le projet de salle d’audience en établissement de santé et assuré, en grande partie, sa mise en œuvre. Elle a présidé le comité qui regroupait des représentants du Barreau de Québec, des avocats des usagers et des établissements de santé de même que des membres de la magistrature. « Elle présentera le résultat d’une réelle volonté commune des intervenants, qui ont des intérêts opposés, sans être contradictoires, à trouver des solutions qui permettent de mieux rendre justice », résume Me Paquet.
L’événement du 12 novembre se tiendra dans les locaux de l’Institut Douglas à Montréal. « Cela nous permet de rejoindre les avocats des établissements de santé et des usagers en nous rendant à eux tout en leur offrant une formation à coût abordable », précise Me Paquet. Les membres de la magistrature qui s’intéressent aux questions de santé mentale pourraient également bénéficier de cette conférence.
L’objectif de la conférence sera notamment d’aider les juristes à faire face aux défis par la possibilité de recourir à des projets novateurs dans le contexte de réorganisation en profondeur du réseau de la santé et des services sociaux créée par le Projet de loi n°10. Cette réforme a beaucoup changé le travail des avocats en droit de la santé et cette nouvelle réalité sera au cœur de la formation.
Le projet de pilote de salle d’audience sera expliqué plus en détails dans l’optique où les domaines sociosanitaire et juridique doivent innover dans leurs façons de faire. L'activité se terminera par une discussion sur les possibilités de projets communs. Il s’agit donc d’une occasion à ne pas manquer pour faire évoluer la pratique dans un domaine qui touche directement la dignité et le rétablissement des patients en santé mentale.
Lien utiles
S’inscrire à la formation La Cour supérieure à l’Hôpital : présentation d’une nouvelle réalité du district judiciaire de Québec
Texte du projet de loi 10 : Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales
En savoir plus sur le projet de cour à l’IUSMQ