La Charte canadienne des droits des victimes a été adoptée le 23 avril 2015. Le 11 décembre dernier, la section de droit Criminel présentait une formation sur le sujet animée par Me André A. Morin Ad. E., procureur fédéral en chef du Service des poursuites pénales du Canada, région du Québec, et madame la juge Karine Gonnet, magistrate de liaison de la République française. Ils ont discuté avec nous des bases de ce texte et comparé les approches canadienne et française.
Les fondements de la Charte
Le texte vise à confirmer la place des victimes à plusieurs phases du processus judiciaire pénal. La Charte canadienne des droits des victimes « recense ce à quoi ont droit les victimes, explique Me Morin. Plusieurs dispositions existaient déjà au Code criminel avant l’adoption de la Charte. Des articles du Code criminel ont été modifiés afin de tenir compte des droits des victimes.
La Charte définit d’abord ce qu’est une victime d’acte criminel :
Particulier qui a subi des dommages — matériels, corporels ou moraux — ou des pertes économiques par suite de la perpétration ou prétendue perpétration d’une infraction.
Le texte accorde ensuite les droits suivants aux victimes :
- Droit à l’information;
- Droit à la protection;
- Droit à la participation;
- Droit au dédommagement.
Le droit à l’information garantit aux victimes d’être informées par les corps de police et les services de poursuites. Les procureurs doivent s’enquérir de l’impact du crime et en tenir compte. Ce droit « permet aussi à la victime de recevoir de l’information sur la peine de même que sur les audiences et les décisions concernant la remise en liberté », explique Me Morin.
Le droit à la protection assure bien sûr la sécurité physique de la personne, mais protège également les renseignements qui la concernent. « Par exemple, si la défense souhaite accéder au dossier médical de la victime, elle doit en faire la demande et l’avis à donner est maintenant de 14 jours avant l’audience, ce qui n’était pas le cas auparavant », mentionne le procureur fédéral en chef. De plus, la victime « a le droit de demander des mesures visant à faciliter son témoignage » (Article 13 de la Charte canadienne des victimes). Par exemple, les personnes mineures ou ayant une déficience intellectuelle ou physique peuvent témoigner accompagnée d’une personne de confiance. Ce droit dénote une véritable « considération pour la vulnérabilité de la victime et des témoins mineurs », selon Me Morin. Le juge peut également interdire la publication de renseignements permettant d’établir l’identité de la victime.
Le droit à la participation donne la possibilité à la victime de donner son point de vue. Elle peut préparer une déclaration qui sera prise en considération par le juge. Une personne peut également présenter une déclaration au juge au nom de la collectivité.
Le droit au dédommagement autorise les victimes à faire une demande en ce sens auprès du tribunal. Lors du prononcé de la sentence, le tribunal peut ordonner au condamné de dédommager la victime. L’ordonnance peut être enregistrée auprès d’un tribunal civil pour exécution.
La situation en France
« La reconnaissance de la place de la victime dans le processus criminel existe depuis très longtemps en France, alors qu’au Canada, c’est relativement nouveau », explique la magistrate Gonnet. En France comme ici, la police a l’obligation d’informer la victime du développement de l’enquête, mais, outre Atlantique, cela se fait dès les premières interventions.
La juge explique qu’il existe trois différences principales entre la France et le Canada en ce qui concerne le traitement des victimes. « Contrairement au Canada, en France, la victime est une partie lors des procédures pénales », annonce la juge d’entrée de jeu. La victime peut donc être représentée par un avocat et avoir accès à toute la preuve.
La personne qui a subi un acte criminel peut également être présente lors du procès. Elle aura alors la possibilité d’interroger et de contreinterroger toute personne entendue au procès, qu’il s’agisse d’un témoin, de l’accusé ou d’un expert. De plus, l’avocat qui la représente sera appelé à plaider à la fin des procédures. Enfin, à l’issue du procès pénal, la procédure civile qui règlera la question des dédommagements débute immédiatement afin que la victime puisse être fixée tout de suite sur son indemnisation.
La préoccupation pour les victimes d’actes criminels par le système de justice permet à ces personnes vulnérables d’avoir une expérience plus humaine et respectueuse des procédures judiciaires.
Lien utile
La Charte canadienne des droits des victimes
Note
Madame Karine Gonnet, est magistrate de l’Ordre judiciaire français et joue un rôle de liaison entre le Canada et la France dans le cadre d’un accord entre les ministères de la Justice des deux pays. Elle s’occupe notamment de faciliter l’entraide dans les procédures impliquant les deux pays, telles que les extraditions; effectue des analyses de droit comparé pour prévoir l’impact des nouvelles lois; et s’occupe de coopération institutionnelle en permettant le transfert de bonnes pratiques et de projets pilotes.