Une entreprise œuvrant dans le secteur de l'élimination de déchets de construction reçoit un avis du MDDELCC à l'effet qu'un tiers demande l'accès aux documents qui sont incorporés par référence aux certificats d’autorisation que l’entreprise détient et qui décrivent les mesures que celle-ci s'est engagée à adopter pour minimiser les impacts de ses activités sur l’environnement. L'entreprise s'oppose à la divulgation au motif que ces documents sont des renseignements de natures commerciale, financière et industrielle et rencontrent les critères des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (la « Loi »). La Commission donne raison à l’entreprise pour les motifs qui suivent.
Le demandeur soutient souhaiter obtenir non pas de l’information concernant les secrets industriels, financiers et commerciaux de l’entreprise, mais plutôt avoir accès à toutes les conditions imposées par le MDDELCC à l’endroit de celle-ci et qui font partie intégrante des certificats d’autorisation mentionnés dans sa demande. Il prétend que les documents doivent contenir les renseignements relatifs aux travaux à réaliser par le tiers, et qu’il désire s’assurer que ces travaux sont conformes avec la Loi sur la qualité de l’environnement (la « LQE »), aux règlements et au décret relatif à l’un des certificats d’autorisation[1].
La CAI rappelle d’abord au demandeur qu’elle est chargée d’appliquer la Loi et de statuer sur l’accessibilité des documents, et non pas de décider si l’entreprise en question utilise des matériaux adéquats ou encore si elle respecte les conditions émises par le MDDELCC. Elle rappelle également qu’il appartient à l’entreprise qui s’objecte à la divulgation de documents la concernant, à faire la preuve que les conditions des articles 23 et 24 de la Loi sont rencontrées.
Quatre conditions sont nécessaires à l’application de l’article 23 de la Loi :
1. Le document doit avoir été fourni à l’organisme par un tiers;
En l’espèce, l’ensemble de la preuve démontre que tous les documents en litige concernant chaque projet ont été fournis par le tiers au MDDELCC dans le cadre de chaque demande de certificat d’autorisation, conformément à l’article 22 de la LQE, lequel décrit les divers documents devant être joints à une demande de certificat d’autorisation.
2. Le document doit contenir des renseignements de l’une ou l’autre des catégories énumérées à l’article 23;
3. Le document doit être de nature confidentielle;
Ici, comme le souligne la CAI au paragraphe 64 de son jugement, « la preuve recueillie démontre que les documents sont de nature confidentielle et contiennent des renseignements de nature industrielle et commerciale. En effet, le témoin de Tria, qui possède une expérience de plusieurs années dans cette industrie, […] a participé à la préparation de plusieurs de ces demandes et partout où il a travaillé tout ce processus demeure confidentiel. La description des procédés d’exploitation de Tria constitue aussi des secrets industriels et de tels renseignements ne sont pas publics. On trouve notamment des renseignements de nature technique, tels des plans et devis préparés par des ingénieurs concernant ce domaine particulier. »[2]
4. Le document doit être habituellement traité par le tiers de façon confidentielle.
La CAI est d’avis qu’une telle preuve fut également faite par le tiers qui a, entre autres, démontré que les documents sont gardés dans un lieu sécuritaire où seuls le président et chef de l’exploitation du tiers et son adjointe ont accès.
La CAI conclut que tous les documents joints aux six certificats d’autorisation satisfont aux exigences de l’article 23 de la Loi (à l’exclusion de trois lettres visant chacune une demande de certificat d’autorisation, puisque celles-ci ne contiennent aucun renseignement de nature technique, commerciale ou industrielle).
Ceux-ci incluent des documents expliquant le projet et son concept, la description des équipements qui seront utilisés, des plans et devis, des images graphiques, des photographies, des motifs concernant les demandes, des explications sur des points de contrôle établis par le tiers, des courriels échangés entre un représentant du MDDELCC et celui du tiers, fournissant des renseignements supplémentaires, des explications sur la technologie mise en place, etc.
La CAI conclut par ailleurs que le tiers a bel et bien démontré que la divulgation des renseignements contenus dans les documents joints aux certificats d’autorisation risquerait de lui causer une perte ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne, comme le prévoit l’article 24 de la Loi. La CAI rappelle d’ailleurs qu’il s’agit d’une disposition d’exception qui doit être interprétée de façon restrictive :
[86] À cet égard, la Commission estime que le témoin de Tria a démontré que la divulgation des renseignements visés risque effectivement de causer une perte à l’entreprise ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne, si cette dernière arrive à en prendre connaissance. En effet, la preuve a établi qu’il existe une vive compétition entre Tria et ses concurrents dans le domaine de sites d’enfouissement et des matières résiduelles. Par exemple, parmi les documents en litige se trouvent des échanges d’informations tenus entre des représentants de Tria et ceux de l’organisme qui touchent directement le mode de fonctionnement de cette entreprise, des croquis, des plans et devis, le nombre de tonnes de matériaux qui seront utilisés, etc. Des représentants de Tria répondent aux questions spécifiques de l’organisme et fournissent à ce dernier des réponses et documents additionnels en lien avec des demandes de certificats d’autorisation précis.
[87] La Commission est d’avis que la divulgation des renseignements contenus dans les documents en litige joints aux certificats d’autorisation risque effectivement de nuire sérieusement à cette entreprise, puisqu’elle serait susceptible de procurer un avantage appréciable à une personne ou à ses concurrents qui pourraient s’en servir afin notamment d’améliorer le fonctionnement de leurs industries, soit au niveau technique ou commercial, si ces derniers en prennent connaissance. La Commission est aussi convaincue qu’une telle divulgation permettrait à une autre personne ou aux concurrents de cette entreprise d’utiliser par exemple les technologies développées par Tria, les méthodes de travail, les composantes liées notamment à ses équipements et leur fonctionnement ainsi que les produits que cette dernière a mis en place afin de les mettre en valeur sur le marché, etc.[3]
Finalement, la CAI rappelle que l’article 118.5 LQE ne rend publics que les documents inscrits dans le registre public qui y est mentionné, et non pas les documents produits en appui à la demande d’autorisation.
[1] Décret concernant la modification du décret numéro 638-96 du 29 mai 1996 relatif à la délivrance d’un certificat d’autorisation en faveur de Enfouissement J.M. Langlois inc. pour la réalisation du projet d’agrandissement de son dépôt de matériaux secs sur le territoire de la Ville de La Prairie, (1999) 133 G.O. II, 500.
[2] Id., par. 64.
[3] Id., par. 87 et 88.