Créée au cours de l’été 2014, la Clinique juridique itinérante (CJI) se déplace vers les personnes les plus démunies de la société pour leur offrir de l’accompagnement et des conseils juridiques dispensés par des étudiants en droit. C’est ce projet qui a valu à M. Donald Tremblay, étudiant en droit de 3e année à l’UQAM et président fondateur de la CJI, le Prix étudiant – Engagement social 2016. Ce prix est accompagné d’une bourse de 300 $.
Donald Tremblay s’enflamme lorsqu’il présente la CJI et les problématiques qu’elle tente de résoudre. Son indignation face aux difficultés d’accès à la justice auxquelles font face les personnes en situation d’itinérance n’est surpassée que par sa passion pour la mission de la CJI. « Le droit est un véhicule extraordinaire pour aider les gens, leur permettre d’obtenir un statut et de voir leurs droits fondamentaux être respectés », déclare le lauréat. Il reconnait du même souffle la difficulté que représente le manque de connaissances des personnes démunies en ce qui a trait à leurs droits et à la manière de les faire respecter.
Une approche inspirée
Les personnes en situation d’itinérance vont difficilement chercher de l’aide pour adresser leurs problématiques juridiques, selon M. Tremblay. L’étudiant a donc pris pour modèle une approche utilisée en psychiatrie pour leur prêter assistance : l’Outreach où les médecins se rendent dans les refuges. C’est d’ailleurs cette mobilité qui rend la CJI unique.
Le projet a démarré en juillet 2014. M. Tremblay a approché trois organismes en itinérance de Montréal et des professeurs de droit au Département des sciences juridiques de l’UQAM. Ces derniers l’ont aidé à élaborer le modus operandi de l’organisme. En janvier 2015, la Clinique juridique itinérante donnait ses premiers conseils.
« Les besoins d’accès à la justice sont énormes » au sein de ces populations, affirme M. Tremblay. La Clinique fait donc le pont pour diriger les justiciables vers les bonnes ressources. Elle se rend mensuellement dans des organismes et des refuges tels que la Old Brewery Mission et la Maison du Père, pour offrir à leur clientèle leurs services. Elle donne de l’information juridique et de l’accompagnement-référence ou de l’assistance dans la réalisation de démarches de régularisation de dettes judiciaires. Elle peut également diriger les personnes vers d’autres organismes d’accès à la justice ou des avocats.
En avril dernier, l'ancienne haute-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme et ex-juge à la Cour suprême du Canada, l’honorable Louise Arbour, a donné son appui en devenant ambassadrice de la CJI. « Dans la mesure où je pourrai le faire, je veux prêter ma voix à ceux sans voix, dans leur quête de justice »[1], déclare-t-elle. Elle affirme également que l’organisation évolue dans un créneau où elle peut avoir beaucoup d’impact.
La clinique a eu un impact majeur en peu de temps :
- Plus de 420 dossiers ouverts et plus de 500 personnes rencontrées
- Plus de 175 accompagnements
- Plus de 80 ententes de règlement de dettes judiciaires totalisant des amendes impayées de plus de 230 000 $
Les chiffres sont frappants, mais la détresse humaine qu’ils cachent l’est encore plus.
Des besoins criants
« Quand ta vie tient dans un sac à dos, tu n’as pas de copie du jugement qui prouve que tu as obtenu la garde de tes enfants », illustre M. Tremblay, se remémorant un accompagnement particulièrement complexe devant un fonctionnaire. Cela n’est qu’un exemple de difficultés d’accès à la justice auxquelles peuvent faire face les personnes en situation d’itinérance. Celles-ci ont souvent des vies très complexes où se multiplient les problèmes : santé mentale, toxicomanie, analphabétisme. Elles sont souvent découragées par le processus judiciaire et la complexité de la bureaucratie.
Une nouvelle problématique à laquelle les personnes en situation d’itinérance font face est la suramende obligatoire. Instaurée en 2013, toute personne coupable d’une offense criminelle est condamnée à payer une somme d’argent. Pour la clientèle que dessert la CJI, déjà surjudiciairisée, la suramende obligatoire est venue complexifier leur problématique de dettes judiciaires, avec les conséquences qui s’en suivent lors de non-paiement.
Afin d’aider à ce niveau, la Clinique a donc accompagné de nombreuses personnes pour les aider à obtenir, de différentes cours, des ententes de travaux compensatoires ou de paiements mensuels de 5 $. « Ça leur donne une chance dans le processus de réinsertion sociale », explique M. Tremblay.
Une expérience formatrice pour les juristes de demain
La Clinique compte actuellement sur l’implication de 35 étudiants bénévoles. « Ils sont en équipe de deux et leur travail est supervisé par une douzaine de professeurs de droit et d’avocats membres du Barreau du Québec », explique M. Tremblay. Les professeurs, qui proviennent tant de l’UQAM que de l’Université de Montréal, encadrent les interventions et la manière d’interagir des futurs juristes avec les personnes qui approchent la Clinique.
Selon son fondateur, s’impliquer à la CJI est également très formateur. Les étudiants sont en effet appelés à faire de la recherche et à travailler sur des cas complexes. Cette démarche est très pédagogique puisqu’elle permet à l’étudiant clinicien d’apprendre comment faire une recherche, à bien identifier les questions juridiques et les pistes de solutions possibles. L’approbation par un avocat superviseur permet aussi de s’assurer de la justesse de l’information juridique que l’étudiant communiquera à la personne itinérante lors d’une rencontre subséquente. « Pour les étudiants, interagir avec les personnes en situation d’itinérance leur permet aussi de mieux les comprendre pour mieux les aider, indique M. Tremblay. J’ai souvent vu cette interaction faire tomber des préjugés! » Les étudiants tirent également beaucoup de fierté d’arriver à établir des liens de confiance et d’apporter une aide concrète.
Le Département des sciences juridiques de l’UQAM a pour sa part donné un important appui logistique au projet. « Les professeurs nous ont offert de l’encadrement et le Département nous fournit gratuitement un local pour tenir des réunions et rencontrer les personnes aidées », indique le président. Ce sont d’ailleurs l’engagement envers le droit social et les valeurs de solidarité et d’ouverture sur la communauté de l’institution qui ont poussé M. Tremblay à y faire ses études.
Un gage de crédibilité
Donald Tremblay se dit honoré et touché que l’ABC-Québec lui remette le Prix étudiant – Engagement social. « Cet honneur donne de la crédibilité au projet et constitue une marque de reconnaissance pour tous les bénévoles. Sans leur implication, la Clinique n’existerait pas; c’est un travail d’équipe. » M. Tremblay souligne l’importance que des gestes soient posés envers les personnes les plus vulnérables de manière collective. Il lève d’ailleurs son chapeau aux avocats de l’aide juridique et à Pro-Bono Québec, car ils prennent souvent en charge les cas les plus complexes.
M. Tremblay est devenu membre de l’ABC-Québec au début de ses études. C’est le rapport Justice pour tous de l’ABC national qui avait attiré son attention. Il compte consacrer sa future carrière d’avocat à la Clinique juridique itinérante afin de permettre aux personnes les plus vulnérables de notre société d’accéder à la justice et de faire respecter leurs droits.
Liens utiles
Site de la Clinique juridique itinérante
Vidéo de présentation de la clinique juridique itinérante
Louise Arbour devient l'ambassadrice de la Clinique juridique itinérante, La Presse
[1] Clinique juridique itinérante, L’Honorable Louise Arbour, ancienne juge à la Cour suprême du Canada, devient ambassadrice de la Clinique juridique itinérante (communiqué), Montréal, 8 avril 2016
Photo : Me Michèle Moreau, présidente de l'ABC-Québec, M. Donald Tremblay, récipiendaire du Prix étudiant – Engagement social, la professeure Anne Saris et M. Hugo Cyr, doyen de la Faculté de science politique et de droit de l'UQAM