Le Forum québécois sur l’accès à la justice civile et familiale a lancé son micro site il y a peu. Le Forum est présidé par la juge en chef de la Cour du Québec, l’honorable Élizabeth Corte, membre de l’ABC-Québec depuis 2009. Me Michèle Moreau, directrice générale de l’Institut canadien d’administration de la justice, présidente de l’ABC-Québec et deuxième vice-présidente élue de l’ABC, y siège également à titre de représentante du Comité de l’accès à la justice de l’ABC. Réunissant de nombreux acteurs de la communauté juridique, le Forum vise à offrir un lieu de concertation des efforts pour améliorer l’accès à la justice.
Briser les silos
L’accessibilité à la justice n’est pas un problème récent, mais les délais qui s’allongent, les procédures coûteuses, la législation qui se complexifie et le manque de connaissance des justiciables le rendent de plus en plus criant. Les initiatives pour faire face au problème se sont multipliées à tous les niveaux, mais, comme l’ont souligné le rapport L’accès à la justice en matière familiale (rapport Cromwell) et le rapport Atteindre l’égalité devant la justice : une invitation à l’imagination et à l’action de l’ABC, les différents acteurs travaillent souvent en silo.
La création du Forum lui-même est basée sur une recommandation du rapport Cromwell. « Il faut cesser de travailler en silo et la création d’organisations régionales comme le Forum permettent de le faire », explique la juge Corte. Le groupe réunit notamment des membres de la magistrature ainsi que des représentants du Barreau du Québec, de la Chambre des notaires du Québec, d’Éducaloi, du Ministère de la Justice du Québec, de certains organismes communautaires et de l’Association du barreau canadien. « En tant que présidente, je souhaite utiliser ma fonction pour amener tous ces gens à travailler ensemble », indique la juge en chef.
En réunissant des acteurs de plusieurs niveaux, le Forum permettra à ceux-ci de ne pas refaire ce qui existe déjà ainsi que d’apprendre des expériences de leurs collègues. « Nous pourrons partager les réussites et, ce qui est tout aussi important, les bilans des projets qui n’ont pas eu les résultats espérés », soutient Me Michèle Moreau.
Placer le citoyen au centre des actions
Adopter le point de vue du justiciable est une autre des recommandations des différents rapports sur l’accès à la justice. Pour la juge en chef, il importe que le justiciable soit satisfait de la conclusion de son litige, peu importe la méthode utilisée pour y arriver. Il faut également apporter des améliorations au système en fonction du citoyen et non de ceux qui y œuvrent.
Pour Me Moreau, il est nécessaire que « peu importe la porte d’entrée du citoyen dans le système, il puisse trouver ou être référé à la bonne ressource ». Selon elle, même dans la communauté juridique, peu de personnes connaissent toutes les ressources existantes. « Le Forum et son micro site pourront faire connaître les différentes initiatives. Les intervenants en justice seront ainsi mieux en mesure de rediriger les citoyens selon leurs besoins », résume-t-elle.
« Nul n’est censé ignorer la loi. »
« Le citoyen doit s’informer et choisir le mode le plus approprié pour régler son différend », estime la juge en chef Corte. Mais il reste beaucoup de travail à faire en ce sens puisque, selon Me Moreau « le citoyen se sent souvent comme si on lui demandait de jouer à un jeu sans qu’on lui en explique les règles ».
En ce sens, l’ABC produit des bilans de santé juridique, des feuillets informatifs sous forme de listes de vérification sur des considérations juridiques fréquentes : pensions alimentaires, testaments, embauche… « C’est une méthode efficace pour attirer l’attention sur les bonnes questions à se poser face à une situation pouvant générer des conséquences juridiques. De nombreux avocats laissent traîner ces bilans de santé juridique dans la salle d’attente de leur cabinet », illustre Me Moreau.
L’ABC-Québec, pour sa part, propose une initiative d’éducation des jeunes du secondaire : le Programme citoyenneté et chartes. Les élèves ont alors l’occasion de participer à une simulation de plaidoirie avec un avocat et un juge.
Les tribunaux ne sont pas une panacée
Selon le Forum, un meilleur accès à la justice ne signifie pas un meilleur accès aux tribunaux. « Il existe des ressources à l’extérieur du domaine judiciaire, que ce soit au niveau communautaire ou d’Option consommateurs par exemple », affirme la juge en chef. Me Moreau évoque pour sa part les Centres de justice de proximité et les Cliniques juridiques des universités comme ressources alternatives.
« Bien sûr, les juges seront toujours là pour juger », indique l’honorable Corte. Mais tous les conflits ne nécessitent pas de se régler dans un tribunal. La juge fait d’ailleurs un parallèle avec le système de santé. « Ce n’est pas tout le monde qui a besoin d’aller à l’urgence. C’est la même chose pour le temps de cour : il faut le laisser à ceux qui en ont vraiment besoin. »
Les juges voient également leur rôle évoluer « Nous ne sommes pas que des décideurs, mais aussi des facilitateurs », indique la juge en chef. Ils peuvent amener les parties à se parler, comme ce qui se fait déjà en chambre de la jeunesse et criminelle avec les conférences de facilitation.
La médiation et les autres méthodes alternatives de règlement des différends figurent pour leur part parmi les solutions préconisées par le nouveau Code de procédure civile pour améliorer la situation.
Une nouvelle culture judiciaire
C’est donc à un changement de perspective complet qu’invite le Forum. « Il faut arrêter de mettre de petits pansements sur le problème de l’accessibilité à la justice, plaide la juge en chef. Nous souhaitons que toute la communauté embarque dans l’approche proposée par le nouveau Code de procédure civile. » Une nouvelle culture judiciaire s’impose et c’est le message que le groupe a choisi de transmettre en nommant son micro site ainsi : nouvelleculturejudiciaire.quebec.