Reportages sur l’implication d’étudiants en droit au sein de leur communauté.
On fait souvent miroiter aux étudiants en droit des salaires mirobolants ainsi que des carrières en complets et tailleurs, mais certains étudiants sont davantage mus par un souhait de contribuer à l’évolution de leur communauté et cherchent à utiliser leurs connaissances juridiques au profit de la collectivité.
Voici la première partie d’une série de trois entretiens avec des étudiants en droit impliqués au sein de leur communauté. Aujourd’hui, je vous présente Alexandre Csuzdi-Vallée, cofondateur de la clinique juridique de Côte-des-Neiges, militant du collectif Étudiant(e)s en droit d’aider, membre de l'ABC-Québec, et étudiant au baccalauréat en droit à l’Université de Montréal.
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Alexandre Csuzdi-Vallée était sceptique avant de commencer son baccalauréat en droit à l’Université de Montréal, puisqu’il ne savait pas si celui-ci parviendrait à combler à la fois son appétit intellectuel et son désir de changer les choses. Pourtant, force est d’admettre que son parcours universitaire, Alexandre l’a bâti lui-même, à son image.
Après avoir participé à un projet de l’organisme Réseau national d'étudiant(e)s pro bono, Alexandre a ressenti le désir de s’investir à fond dans l’initiative. L’an passé, il a été coordonnateur de l’organisme pour l’Université de Montréal. Il a ainsi supervisé 140 bénévoles participant à 33 projets à but non lucratif qui visent à vulgariser le droit pour mieux outiller les justiciables.
Pour Alexandre comme pour ses collègues du Réseau national d'étudiant(e)s pro bono, l’implication a été marquante. « J’ai beaucoup appris d’un point de vue juridique, voire plus que dans le cadre d’un cours. Le travail accompli y est très concret et, de façon générale, les avocats et avocates qui œuvrent dans le milieu sont très généreux de leur temps », explique-t-il.
Comme il le fait remarquer, « c’est lorsqu’on commence à s’impliquer qu’on réalise l’ampleur du besoin. » Animé par cette conviction profonde que le droit se doit d’être réapproprié par les justiciables, il a cofondé la clinique d’information juridique au centre communautaire de Côte-des-Neiges. Ce projet, qu’il considère comme son legs, continuera à grandir une fois qu’il aura quitté l’enceinte universitaire.
Conscientisé quant au rôle qu’ont à jouer les étudiants en droit dans la démocratisation du système juridique, Alexandre a aussi pu prendre connaissance des limites légales de leur contribution. C’est pourquoi il a formé, avec ses collègues de classe Philippe Dion et Laurianne Walker-Hanley, le collectif Étudiant(e)s en droit d’aider qui a comme objectif l’accroissement de l’implication étudiante. Les trois comparses, à la suite de discussions avec plusieurs avocats, professeurs et membres du milieu communautaire, ont rédigé un rapport dressant le portrait de la situation dans toutes les provinces canadiennes. Ils ont réalisé que le Québec était à la traîne relativement aux tâches que les étudiants peuvent légalement accomplir puisqu’on ne leur permet que de renseigner sur l’état du droit de façon générale.
Ils et elles en ont profité pour publier dans les journaux une lettre ouverte explicitant leurs constats. Impressionné par leur ambition, le député Simon Jolin-Barrette les a alors contactés pour qu’ils soient présents lors du dépôt du projet de loi 697 visant à permettre aux étudiants en droit de donner des consultations et rédiger des avis d’ordre juridique dans une clinique juridique universitaire.
Alexandre l’énonce d’emblée, il s’agit d’une très petite avancée. Il souhaiterait que l’on permette à la communauté étudiante de donner des conseils juridiques et de rédiger des actes sous supervision d’un avocat dans tous les types de cliniques juridiques communautaires. Il mentionne l’exemple ontarien où les justiciables qui se représentent seuls en matière familiale peuvent être aidés pour la rédaction d’actes par un étudiant en droit. Il indique que cela fait le bonheur des palais de justice, qui leur offrent parfois des locaux, des avocats qui peuvent traiter plus de dossiers pro bono dans le même laps de temps et des étudiants qui ont une occasion exceptionnelle d’apprendre et d’aider des gens en difficulté.
À ceux et celles qui souhaitent s’impliquer pour améliorer l’accès à la justice, il rappelle que les possibilités de bénévolat sont très variées. Les besoins se font sentir tant pour les particuliers que les organisations, et ce, dans tous les domaines, de l’environnement aux jeunes entreprises technologiques.
Quel portrait dresse-t-il de l’implication communautaire en droit? La contribution bénévole est-elle l’apanage de la gent féminine ? « Il a beau y avoir plus de femmes que d’hommes impliquées dans le milieu communautaire, les hommes sont tout de même bien présents », constate Alexandre. « Je crois de toute façon que l’implication communautaire a intérêt à être beaucoup plus valorisée et promue tant chez les hommes que les femmes, d’autant que c’est une méthode d’apprentissage qui permet de découvrir les rouages pratiques du droit. »
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J’aimerais remercier les deux étudiants et l’étudiante qui ont accepté de témoigner de leur expérience. Leurs réflexions auront permis, je le souhaite, d’inspirer les lecteurs et lectrices à s’impliquer. Ces entretiens auront peut-être permis d’amorcer une réflexion quant aux responsabilités qui accompagnent le statut d’étudiant en droit. Finalement, les lecteurs pourront réaliser le potentiel qu’ils ont de transformer leur environnement.
Simon Bouthillier, président de la section des Étudiantes et des étudiants de l’ABC-Québec