Me Julie Loranger déconstruit l’image traditionnelle du notariat

  • 17 octobre 2016
  • Stéphanie Parent, ABC-Québec

Lorsque Me Julie Loranger étudiait le droit à l’Université de Montréal, elle se destinait à devenir avocate en droit de la famille. Mais une rencontre avec un étudiant en droit notarial lui fait changer son rêve pour celui d’avoir son propre petit cabinet de notaire. Me Loranger, notaire et présidente de la section de droit Testaments, successions et fiducies, pratique pourtant aujourd’hui avec environ 200 autres professionnels, dont 7 autres notaires, dans le cabinet montréalais BCF. Rencontre avec une juriste énergique et investie.

Des expériences diverses

À sa sortie de l’université, débute une brève pratique pour un notaire oeuvrant essentiellement dans le droit immobilier résidentiel avant de se joindre à l’aventure de deux de ses professeurs ayant mis sur pied l’étude Turcot Prévost, notaires, un cabinet de notariat différent et spécialisé en droit fiscal et commercial. Suite à une fusion, le bureau devient Watson Poitevin Turcot Prévost et comptera jusqu’à 15 notaires. Elle y pratiquera le droit corporatif, le droit des fiducies, de la famille ainsi que dans le domaine des libéralités pendant plus de 12 ans.

Me Loranger

Elle agira ensuite comme conseillère juridique au sein du service national de la recherche du Groupe conseil Aon, une firme de services-conseils en avantages sociaux et régimes de retaite, durant près de 3 ans. Elle revient ensuite en pratique privé au cabinet Gendron Carpentier, notaires fiscalistes, où elle effectuera la rédaction de testaments fiduciaires et le règlement de successions. Elle y œuvrera un an.

C’est donc en 2006 qu’elle fait son entrée dans l’équipe de protection du patrimoine de BCF. Elle s’occupe principalement des dossiers familiaux des gens d’affaires clients de la firme et profite pleinement d’évoluer au sein d’une équipe multidisciplinaire. La notaire apprécie l’approche de son cabinet. « C’est une vision moins cloisonnée du droit, plus entrepreneuriale, affirme-t-elle. Même s’il y a surtout des avocats, les notaires et d’autres professionnels peuvent également être associés. »

Travailler avec des avocats enrichit mutuellement l’expertise. Le dialogue entre les équipes de droit successoral et de litige est primordial, selon Me Loranger « Avant de collaborer directement avec des avocats, quand un dossier tournait mal et qu’il allait en litige, j’en perdais le contrôle. Maintenant, sauf dans les cas de divorce, je continue d’être impliquée et la partie litige du dossier est confiée à un de mes collègues avocats de l’équipe de litige », rapporte-t-elle. Elle affirme que cette collaboration avec l’équipe de litige a fait d’elle une meilleure notaire et a bonifié sa rédaction de contrat.

De multiples enjeux

Le domaine des successions et fiducies doit refléter les transformations sociales, mais les textes de loi ne sont pas toujours adaptés. Par exemple, la fiducie telle qu’on la connaît aujourd’hui a intégrée dans le Code civil en 1994. Cet ajout récent en droit s’arrime parfois mal avec les autres règles de lois. « Nous sommes à un stade où le législateur devrait changer des lois. »

L’internationalisation des clients constitue l’un des défis actuels dans le domaine des testaments et des successions. « Nous sommes confrontés à combiner plusieurs lois lors de successions impliquant des biens situés à l’étranger ou encore lorsque le liquidateur, le fiduciaire ou les héritiers sont situés hors du pays », indique Me Loranger.

Mettre à profit l’influence de l’ABC-Québec

Me Loranger a toujours suivi des formations de l’ABC-Québec et est devenue membre il y a une dizaine d’années. « Ça m’a permis de mieux faire comprendre le rôle du notaire quand je travaillais avec des partenaires d’ailleurs au Canada ou dans les pays où la profession juridique ne compte pas de notaires », explique-t-elle. En effet, le « notary » de la common law joue plutôt le rôle d’un commissaire à l’assermentation et ne possède pas de formation universitaire en droit.

En tant que présidente de la section de droit Testaments, successions et fiducies, Me Loranger utilise le vaste réseau de contacts qu’elle a développé au cours de sa carrière, notamment pour dénicher des conférenciers d’exception. Elle est heureuse que le comité exécutif de sa section soit composée de notaires et d’avocats d’expérience et que ses membres aient aussi réussi à recruter quelques jeunes juristes. « L’énergie attire l’énergie », ajoute-t-elle.

La prochaine formation de la section Testaments, successions et fiducies aura lieu le 22 novembre prochain et est intitulée La préparation d’un dossier de litige successoral. « Le conférencier, Me Nicolas Préville-Ratelle, de Ratelle, Ratelle & Associés, est un jeune avocat allumé, précise Me Loranger. Nous trouvions tous deux que de nombreux avocats de litige méconnaissent les successions et qu’une formation en ce sens serait la bienvenue. » La section de droit prépare également des conférences sur les régimes de retraite en février, et une revue de la jurisprudence en avril prochain.

Le comité exécutif de la section entend aussi tenir un colloque d’une demi-journée qui aborderait plusieurs thématiques en lien avec les successions et le droit familial. Les interactions entre les droits de la famille et celui des successions, la liquidation des droits matrimoniaux lors d’une succession, la planification successorale des nouvelles familles (legs à un ex conjoint, enfant né après le décès) et l’incidence du divorce sur la planification testamentaire seraient au programme.

La notaire souhaite possiblement organiser une conférence où un psychologue ou un travailleur social viendrait donner des outils aux juristes pour gérer les situations plus sensibles. « Les émotions bloquent souvent la résolution des dossiers en matière de succession », indique la notaire. Ces situations viennent avec leur lot de rancœur et de sentiment d’injustice. « Quand on est prêt à dépenser 15 000 $ pour des bijoux qui n’en valent que 3 000 $, on n’est plus dans le domaine du juridique ou du raisonnable. »

Ce ne sont donc pas les projets et les idées qui manquent à cette présidente passionnée et les prochaines conférences seront des rendez-vous à ne pas manquer!

Lien utile

S’inscrire à la formation La préparation d’un dossier de litige successoral