Me Claire Brassard, présidente du Forum des femmes juristes, terminera bientôt son mandat. Retour sur deux années marquées par des conférences innovantes et courues.
Une implication de longue date
Membre de l’ABC-Québec depuis 1984 ainsi que de la section de droit du Travail et de l’emploi, Me Brassard souligne que l’Association lui a beaucoup apporté tout au long de sa carrière, particulièrement en matière de formation. De plus, parallèlement à sa carrière menée tant du côté syndical que patronal et, récemment, à titre d’arbitre de griefs, la juriste s’est toujours engagée avec plusieurs groupes féministes. C’est pourquoi les deux coprésidentes sortantes du Forum, Me Julie Latour et Me Ann Margaret Soden, l’ont invité à s’y impliquer davantage.
Ne pas se limiter au domaine juridique
Dès le début de son implication au sein du Forum des femmes juristes, Me Brassard a souhaité « l’ouvrir à autre chose qu’aux intérêts des seules avocates ». Le groupe s’est donc penché sur l’implication politique des femmes et leur progression professionnelle, qu’il s’agisse de leur présence dans les conseils d’administration ou de leur avancement dans le milieu juridique.
Pour la première activité du mandat de Me Brassard, trois anciennes avocates qui ont fait le saut en politique active ont été invitées à parler de leur parcours : Mélanie Joly, Louise Harel et Rita de Santis. La conjoncture était également particulière, l’événement ayant eu lieu peu après les élections municipales montréalaises qui ont constitué le dernier tour de piste politique de Louise Harel et l’entrée en scène de Mélanie Joly, aujourd’hui ministre du Patrimoine canadien. Intitulée Avantages et inconvénients du saut en politique – le parcours de trois avocates engagées, l’activité a remporté un vif succès.
Le thème de la présence des femmes dans les conseils d’administration a été abordé lors d’une conférence qui a réuni Mme Monique Jérôme Forget, Mme Anne-Marie Hubert et Me Sonia Struthers en juin 2014. Les conférencières ont notamment discuté des possibilités de législation en la matière. Une résolution au niveau national a d’ailleurs été adoptée à ce dernier sujet. Celle-ci exhorte les gouvernements fédéral et provinciaux d’adopter le modèle « conformité ou explication » en ce qui concerne la composition des conseils d’administration des entreprises publiques.
Pour les 20 ans du rapport Wilson, qui évaluait la situation professionnelle des femmes juristes, six d’entre elles se sont penchées sur l’évolution de la situation en novembre 2015. Me Fiona Kay, Me Fanie Pelletier, Aurélie Lanctôt, Me Stella Leney, Me Danielle Ferron et Me Stéphanie Leclaire ont discuté des recommandations du rapport et du chemin à parcourir. « Les recommandations du rapport Wilson sont presque les mêmes que celles du Projet Justicia, lancé en 2011 », souligne Me Brassard.
En juin 2015, le Forum réalisait une rencontre avec l’instigatrice de L’effet A, Mme Isabelle Hudon, chef de la direction de la Financière Sun Life Québec et vice-présidente principale Solutions clients, Financière Sun Life Canada, et une leader de la première cohorte, Me Kim Thomassin, associée directrice au cabinet McCarthy Tétrault. Les deux femmes sont venues parler des défis qu’elles s’étaient donnés. La conférence a suscité beaucoup d’intérêt. « Quelques participantes ne provenaient pas du milieu juridique, indique Me Brassard. C’est un succès qui démontre le dynamisme du Forum et de la Division. »
Me Brassard a également mis à profit son vaste réseau pour convaincre plusieurs femmes juges de partager la réalité de leur travail au quotidien. Cinq d’entre elles ont pu transmettre leur encouragement à des avocates enthousiastes. « C’était très stimulant pour les participantes d’entendre les juges leur affirmer qu’il y avait de la place pour elles dans la magistrature », affirme Me Brassard. Cette conférence a également connu un « immense succès ».
La dernière activité organisée lors de son mandat a été l’atelier Négociation professionnelle pour femmes juristes : avancement de carrière et conditions de travail qui visait à développer les aptitudes pour négocier pour soi des participantes. Me Brassard et Me Kim Thomassin ont animé la rencontre en partageant leur expertise et en conviant les participantes à un exercice de négociation. « C’est la réalisation dont je suis la plus fière, révèle la présidente. Je souhaite que cet atelier devienne un rendez-vous annuel, car c’est un exercice nécessaire et pertinent, il y a un besoin réel. »
Regarder vers l’avenir
La présidente affirme que l’ABC, en tant qu’importante organisation d’envergure nationale, mériterait d'être plus présente sur la place publique. « Qu’il s’agisse de l’impact d’un projet de loi sur les femmes, de mouvement comme #AggressionNonDénoncée ou de la situation des femmes autochtones, nous devons prendre la parole. » Elle croit également que les femmes juristes ont le devoir de mettre à profit leur statut privilégié. « Nous devons nous servir de notre position dans la société pour parler au nom de toutes les femmes. J’ai toujours pensé que l’on devait être des modèles et des inspirations », déclare-t-elle.
Me Brassard se réjouit de l’évolution du Forum sous sa gouverne; le comité exécutif réunit maintenant plus d’avocates de divers horizons et son influence s’est étendue. « Le comité a beaucoup rajeuni, l’âge moyen doit être d’environ 35 ans », illustre la présidente. Elle compte continuer à s’impliquer et à « mettre l’épaule à la roue » afin de contribuer à la réalisation d’autres projets « éducatifs et stimulants » pour lesquels elle affirme avoir reçu un excellent soutien de la part de l’équipe de la permanence de l’ABC-Québec. « Grâce à nos activités des deux dernières années, on a pu créer de la mobilisation sur des questions criantes pour les femmes en général », indique l’arbitre. Elle est également fière d’avoir permis de tisser des liens entre « les femmes d’affaires, les avocates et les simples citoyennes ».
Le Forum est plus pertinent que jamais selon Me Brassard. « Les femmes composent maintenant 51 % des membres du Barreau du Québec, rappelle-t-elle. Cela ne fait que marquer le début de nombreux changements dans la profession. » Dans ce contexte, elle souhaite que le Forum permette aux femmes de se soutenir dans ces changements, de s’encourager entre elles et de bâtir leur réseau. « Plusieurs jeunes femmes se préparent à être aux commandes, c’est un signe », souligne Me Brassard.
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Photo : De gauche à droite sur la photo : Me Claire Brassard, présidente du Forum, l’hon. Carole Brosseau, juge de la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, l'hon. Jocelyne Gagné, juge de la Cour fédérale, l'hon. Nicole Duval Hesler, juge de la Cour d’appel et juge en chef du Québec, l’hon. Suzanne Côté, juge à la Cour suprême du Canada, et l’hon. Johanne Gauthier, juge de la Cour d’appel fédérale. Absente de la photo : l'hon. Sophie Bourque, juge à la Cour supérieure du Québec