Chers.ères membres,
Mon mandat de Président de l’ABC-Québec se termine le 30 juin prochain. Ce fut un grand privilège d’exercer cette fonction entouré d’une équipe remarquable, tant au niveau de la permanence que des membres du Conseil d’administration et des bénévoles de sections et de comités. Je vous en remercie sincèrement. Lors de notre Assemblée générale annuelle de l’automne prochain, j’aurai l’opportunité de faire le bilan de l’année 2020-2021 et de souligner le travail de chacun.
Pour mon mot de fin de mandat, j’estime opportun de revenir sur ce qu’est l’ABC-Québec. Ce qu’elle représente. Et souligner l’un des principaux défis auquel nous devons faire face.
Il y a presqu’un an, lorsque j’ai commencé mon mandat, je me suis fixé des objectifs quant aux tâches à accomplir. Des objectifs ancrés dans la mission de notre Association – mission qui peut se résumer ainsi :
- agir à titre de défenseur de la profession juridique
- préconiser des systèmes de droit équitables
- faciliter la réforme efficace du droit
- soutenir l’égalité de la profession juridique
- combattre la discrimination
Ces différentes facettes de notre mission se manifestent de manières diverses. Que ce soit par les nombreuses formations que nous organisons pour permettre aux avocat.e.s de grandir dans leur pratique, les positions que nous prenons publiquement sur des enjeux d’intérêt public, ou encore les initiatives que nous mettons en place pour soutenir nos membres et la société civile en général afin de démontrer la pertinence de la profession juridique et des valeurs qu’elle incarne – et qu’elle se doit d’incarner.
Cette tâche de marquer la pertinence de notre profession et de ce qu’elle représente dans notre système démocratique n’est pas banale. Les efforts répétés en ce sens peuvent parfois paraître imparfaits ou futiles, mais leur importance demeure. Ils contribuent à rappeler les fondements de notre profession, de son rôle dans notre communauté. C’est ce qui guide nos actions.
Nous avons la chance de vivre dans une société avec de profondes valeurs démocratiques, où la primauté du droit est reconnue et protégée. Cependant, un tel système demeure fragile, notamment parce qu’il repose en bonne partie sur la confiance dans nos institutions. Il nous faut donc maintenir cette confiance. Aux yeux de la population, les artisans de notre système de droit (législateurs, juges et avocat.e.s) sont parmi les premiers symboles de nos institutions démocratiques. Une perte de confiance à l’égard de ces représentant.e.s, érode la confiance dans ces institutions. La préservation de la crédibilité de celles-ci nécessite un travail quotidien de toutes les parties prenantes de la profession juridique. En première ligne, il y a les membres de la magistrature qui doivent rendre justice, dans des conditions parfois difficiles, auprès de justiciables qui ne peuvent pas maîtriser toutes les complexités et méandres juridiques. En cela, nous avons la chance d’avoir des juges d’une grande intégrité, dévoués à leur fonction. Nous retrouvons ensuite les avocat.e.s qui conseillent leurs clients, les représentent devant les tribunaux ou dans des négociations avec d’autres parties. C’est leur compétence et leur honnêteté qui encore là est source de confiance en eux. Ces deux groupes contribuent à maintenir la légitimité de nos institutions, par exemple, en exposant les injustices et en tentant de prévenir leur apparition. La Commission Charbonneau sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction en est une démonstration.
La lutte contre les iniquités n’est jamais terminée. Il va souvent s’agir de résoudre des lacunes dans le fonctionnement de notre système de justice – problèmes récurrents qui ne sont pas toujours simples à résoudre. Mais parfois nous faisons face à de profondes injustices, aux conséquences tragiques, qui doivent être combattues. Plusieurs solutions doivent généralement être mises en place - certaines peuvent avoir des effets immédiats et d’autres ne manifestent leur mérite que bien après avoir été implantées.
Les membres de la profession juridique ne sont pas les seuls à pouvoir apporter des solutions, mais ils agissent souvent comme agents de changement. D’où l’importance de connaître l’impact positif que nous pouvons avoir et à agir concrètement lorsque l’occasion se présente.
En cette époque turbulente, ou les enjeux semblent de plus en plus complexes, les points de vue de plus en plus éclatés, un constat doit être fait : celui de la discrimination envers une partie importante de nos concitoyen.n.e.s en raison de leurs origines ethniques. Une discrimination parfois manifeste, la plupart du temps latente. Évidemment, d’autres formes de discriminations existent, mais en ce moment, maintenant, il me semble crucial de s’attaquer à cette forme de discrimination. De ne pas la diluer dans un ensemble d’injustices à combattre.
Cette discrimination contre des membres de différentes communautés ethniques prend plusieurs formes – qui peuvent varier d’un groupe à l’autre. Certains, comme les membres des communautés autochtones et des communautés noires, la vivent depuis des centaines d’années. Elle a pour effet de miner la confiance que les membres de ces communautés ont en eux-mêmes, mais aussi dans les institutions démocratiques. Comment peut-on prétendre être dans une société de droit si des citoyen.n.e.s sont traité.e.s de manière inéquitable en raison de leur appartenance ethnique. Que ce soit, par exemple, dans les soins de santé qu’ils reçoivent ou lorsqu’ils sont interceptés sur la route. Il ne s’agit pas ici de débattre s’il y a du racisme systémique ou non. Il s’agit simplement de constater la présence du racisme à l’égard de membres de notre grande communauté québécoise.
S’attaquer à la discrimination est un énorme chantier qui a commencé bien avant nous avec l’adoption de lois antidiscriminatoires. Nous constatons aujourd’hui que cela demeure insuffisant. Toutes les solutions n’ont pas été identifiées, mais certaines apparaissent évidentes. Parmi celles-ci, faire en sorte que les membres de ces communautés trop longtemps discriminés puissent se reconnaître dans le système de justice. Dans ces représentants. Que ce soit les avocat.e.s ou les juges. Encore là, comment atteindre ce résultat? Je crois qu’il faut encourager la nomination à la magistrature de candidat.e.s issu.e.s de communautés autochtones et noires, mais encore faut-il qu’un plus grand nombre de leurs membres s’intéressent à la profession juridique et y fassent carrière.
Il faut donc augmenter l’intérêt des jeunes de ces communautés dans le droit. Leur montrer sa pertinence. Leur donner confiance dans notre système de justice – un système imparfait, mais qui cherche constamment à s’améliorer. Les convaincre qu’ils peuvent eux-mêmes être des vecteurs de changement et que la profession juridique peut être une voie pour le faire.
Nous pouvons faire cela en identifiant des jeunes de ces communautés motivés à se réaliser. En reconnaissant leur mérite par l’octroi de bourses. En les mettant en contact avec des membres de leurs communautés qui exercent, ou ont exercé la profession d’avocat.e ou de juge. Et en leur faisant vivre des expériences positives pour leur donner confiance en eux-mêmes, mais aussi dans nos institutions.
Chacun de nous peut participer à un tel projet. Si cela vous intéresse, je vous invite à me contacter directement, afin de travailler ensemble pour cette cause. Il s’agit d’un travail de longue haleine, mais dont les effets seront durables. J’en suis persuadé.
Me Tommy Tremblay
Président de l’ABC-Québec 2020-2021