Le 29 mars dernier, la section de droit criminel de la Division présentait le webinaire « 4 parcours exceptionnels au féminin» avec un panel de conférencières composé de l’honorable Louise Arbour, C.C., G.O.Q., avocate-conseil principale chez BLG, haut-commissaire aux droits de l’homme aux Nations-Unies de 2004 à 2008 et juge à la Cour suprême du Canada de 1999 à 2004, l’honorable Nicole Duval Hesler, juge en chef de la Cour d’appel du Québec de 2011 à 2020, l’honorable Élizabeth Corte, juge en chef de la Cour du Québec de 2009 à 2016 et l’honorable Sophie Bourque, juge à la Cour supérieure du Québec. Le tout était animé par Me Maxime Hébrard, procureur aux poursuites criminelles et pénales.
Ayant toutes occupées, ou occupant encore, les plus hautes fonctions judiciaires, ces pionnières dans le domaine du droit criminel ont discuté, notamment, des obstacles qu’elles ont surmontés dans leurs carrières respectives, de leurs expériences les plus marquantes, de la conciliation travail-famille ainsi que des enjeux auxquels sont confrontés les femmes et les hommes d’aujourd’hui dans la profession.
Pour débuter, nous en avons appris plus amplement sur les entraves qu’elles ont rencontrées en raison de leur sexe au cours de leur carrière. Sur cette question, Madame la juge Duval Hesler mentionne qu’il y avait encore peu de femmes dans la profession juridique au début de sa carrière et que plusieurs préjugés étaient encore présents quant à la place des femmes dans la profession : « Lorsque j’étais à l’université, il n’y avait qu’environ 10 femmes sur une centaine d’étudiants. es. Lorsque m’est venu le temps de trouver du travail au sein d’un cabinet, on posait encore la question aux femmes à savoir ce qu’elles avaient l’intention de faire si elles tombaient enceintes. Moi-même, lorsque je suis tombée enceinte la première fois, le cabinet avait seulement pris pour acquis que j’allais quitter mon poste ».
Est-ce que les jeunes avocates seront confrontées aux mêmes défis aujourd’hui ? « Probablement pas les mêmes, mais elles en ont toujours, par exemple, la disparité salariale entre hommes et femmes », note Madame la juge Duval Hesler.
De son côté, Madame la juge Bourque observe que, encore aujourd’hui, même si aucune donnée n’est disponible à ce sujet, les femmes ont plus de difficulté à se faire payer leurs honoraires que les hommes. Pour elle, la discrimination des femmes dans le domaine juridique est systémique : « Il faut se demander à qui profite cette discrimination puisque toutes formes de discrimination n’existent que parce que certains en tirent profit ».
Pour Madame la juge Arbour, la question de l’intersectionnalité entre aussi en cause : « Lorsque j’ai commencé à enseigner en Ontario, nous n’étions que très peu de femmes au sein de la Faculté de droit et j’étais la seule francophone. J’ai longtemps pensé qu’on me traitait différemment parce que j’étais francophone et non parce que j’étais une femme. Ce n’est pas toujours évident de savoir à quoi sont attribués les traitements que nous subissons ».
Sur la question de la conciliation travail-famille, les quatre conférencières s’entendaient pour dire que le tout dépend de sa situation personnelle, mais que le sujet demande également une réponse organisationnelle et institutionnelle. C’est ce qu’aborde Madame la juge Corte : « Prenons en exemple la pandémie que nous vivons. Bien que de façon générale, elle ait apporté beaucoup de négatif, elle a aussi apporté du positif, selon moi, quant à la conciliation travail-famille. Autrefois, pratiquer de chez soi était impensable, alors que maintenant, c’est devenu notre quotidien. Il faut miser sur notre capacité de changer les choses. »
Quelle est leur vision du rôle social des juges et est-ce qu’elles pensent que les juges issus de la diversité apportent une perspective différente ? Selon Madame la juge Arbour, la voix des minorités est très importante : « Toutes les minorités ont quelque chose à apporter et leur voix est très importante. Lorsque Madame la juge Wilson a été la première femme nommée à la Cour suprême du Canada, elle avait reçu des centaines de télégrammes de femmes lui mentionnant qu’elles étaient heureuses d’être enfin représentées. À l’époque, nous n’avions pas de bases empiriques pour savoir si les femmes avaient vraiment une voix différente comme nous le reconnaissons aujourd’hui ». La juge Bourque, quant à elle, considère qu’il est important d’avoir une magistrature diversifiée et représentative de la société, comme cela leur permet de rester au courant de ce qui se passe dans les différentes sphères du monde juridique et surtout, pour que tous les citoyens se sentent adéquatement représentés.
Les questions d’égalité hommes-femmes n’étaient pas les seuls sujets au rendez-vous pour cette conférence. Le sujet du débat sur la création d’un tribunal spécial pour les violences sexuelles a été abordé lors d’une question adressée à la juge Corte.
« Je pense que ce serait très important d’en avoir un. Tout d’abord, il faut comprendre ce qu’est un tribunal spécialisé. Tout le monde a les mêmes droits, dont la présomption d’innocence. Ce qui change, c’est l’intégration de l’aspect judiciaire avec les services d’accompagnements afin de bien entourer les victimes pour que celles-ci se retrouvent au cœur d’une équipe. On parle d’un processus judiciaire plus fluide. L’important, c’est que les victimes aient un sentiment de justice, peu importe l’issu de la cause », mentionne Madame la juge Corte.
Pour terminer la séance, les quatre juges ont généreusement offert de leur temps en participant à une période de questions provenant des participants.es. à la conférence.
Vous désirez voir ou revoir cette conférence ? Elle sera disponible sur notre Centre de formation web sous peu. Restez à l’affût !