Derrière les Barreaux… démystifions les associations, sections, et autres regroupements professionnels!
À l’aube de notre entrée dans la profession, nous trouvons pertinent de mieux connaître les regroupements et associations derrière les moult avenues professionnelles du droit. Si nous connaissons déjà assez bien le rôle du Barreau du Québec, ce n’est pas nécessairement le cas pour les Barreaux de sections, les Barreaux nationaux et étrangers ainsi que les autres associations de juristes. Un portrait condensé des différentes organisations qui peuvent parsemer le quotidien de l’avocate ou de l’avocat sera d’abord abordé. Pour les jeunes juristes en quête vers le monde, un regard sur la mobilité professionnelle en dehors du Québec complètera ce tour d’horizon.
Barreau du Québec
Fraîchement gradués de l’École du Barreau, nous ne vous apprenons rien en disant que le Barreau du Québec constitue l’ordre professionnel des avocates et avocats du Québec (art. 3 Loi sur le Barreau, ci-après LB). L’étude pour l’évaluation notée - communément appelée « déonto » - nous l’aura appris, le rôle du Barreau est principalement de surveiller l’exercice de la profession afin d’assurer la protection du public. Dès son assermentation, toute personne est membre du Barreau du Québec, mais fait aussi partie d’un barreau de section.
Barreaux de section
Une lecture attentive de la Loi sur le Barreau nous apprend donc l’existence des « barreaux de section », regroupant les membres de certains districts judiciaires en raison de leur proximité géographique selon la division territoriale du Québec. Au nombre de 15, ces barreaux élisent notamment des membres au sein du Conseil d’administration du Barreau du Québec et disposent d’une voix au Conseil des sections (art. 26.1 LB). Concrètement, quel autre rôle ont-ils? Bien que ces barreaux de section assurent la protection du public en complémentarité avec le Barreau du Québec, ils soutiennent également leurs membres et organisent certaines activités, telles que la Rentrée judiciaire et des formations. Les Barreaux ont aussi des comités qui touchent à tous les aspects de la vie de la communauté juridique sur lesquels peuvent siéger les avocates et les avocats de la section. Il s’agit là d’une belle opportunité pour toute personne désireuse d’actualiser l’administration de la justice, de moderniser la profession et de dynamiser la communauté juridique.
Sachez également que ces barreaux régionaux sont souvent jumelés avec des barreaux partenaires situés dans d’autres pays. Par exemple, le Barreau de Québec est jumelé entre autres avec le Barreau de Versailles et, quant à lui, le Barreau de Montréal est notamment jumelé avec la Shanghai Bar Association. Ces partenariats permettent de tisser des liens avec nos homologues dans le but de mieux répondre aux justiciables qui peuvent parfois avoir besoin des coordonnées d’une avocate ou d’un d'avocat en territoire étranger. C’est également une possibilité de développement professionnel en ce sens que des formations en droit comparé sont organisées pour les membres des Barreaux concernés. De tels échanges sont aussi une possibilité de discussion au sujet d’enjeux juridiques actuels et futurs qui composent les pratiques du droit. Ensuite, une délégation du Barreau de section participe aussi bien souvent aux Rentrées judiciaires respectives permettant une fois de plus d’y entretenir la relation professionnelle. Ultimement, ces jumelages constituent une porte d’entrée dans un autre univers juridique afin de faire rayonner les avocates et avocats québécois et inversement.
Associations de juristes
En plus des instances mentionnées précédemment, il existe une panoplie d’autres associations pour les membres du Barreau. Les plus connus sont sans doute, le Jeune Barreau de Québec/Montréal (JBQ/JBM), l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense (AQAAD) et Avocats Sans Frontières (ASF) pour ne nommer que celles-ci. Inutile de poursuivre l’énumération, attardons-nous plutôt à leur rôle et à l’impact quotidien qu’elles peuvent avoir.
Le Barreau du Québec regroupe ces associations en trois types: les associations par domaine de pratique, les associations régionales, nationales ou internationales et enfin les associations de membres de groupes ethnoculturels ou soutenant la diversité dans la profession. De manière générale, toutes ces associations ont pour but de regrouper des membres de la profession présentant des caractéristiques communes, tels leurs intérêts ou le type de pratique. Cela permet une mise en commun des ressources et un partage d’outils et de formations. De tels regroupements facilitent évidemment la création d’un réseau professionnel riche, notamment pour les jeunes qui entrent dans la profession, en plus de permettre de consolider les efforts lors de revendications particulières qui touchent ces membres.
L’Association du Barreau canadien
Présente d’un océan à l’autre avec une division dans chaque province et territoire, l’Association du Barreau canadien constitue la plus grande association de juristes au Canada, comptant 37 000 membres. Depuis 1896, elle poursuit la mission de défendre les intérêts de la profession juridique canadienne et du droit. Pour ce faire, elle établit des partenariats avec des penseurs et des innovateurs de la profession juridique, et diffuse son savoir sur les tendances nationales et internationales qui ont une incidence sur la profession juridique.
En se dressant en alliée essentielle et en défenseure de ses membres, l’Association préconise des systèmes de droit équitables, facilite la réforme efficace du droit, soutient l’égalité au sein de la profession juridique et combat la discrimination. L’adhésion à l’ABC donne accès à une multitude de renseignements juridiques et à un vaste programme de formation continue de qualité, l’ABC étant le plus important fournisseur en la matière.
Les 28 sections de l’ABC-Québec dans différents domaines de spécialisation juridique offrent de belles opportunités d’implication. Que l’on soit juriste d’expérience ou à l’aube de sa carrière, un tel engagement offre des possibilités de réseautage et d’épanouissement intellectuel à travers un partage d’expertises. À titre d’illustration, au sein du conseil d’administration de la division Québec, un poste est réservé aux étudiant.e.s afin d’offrir une expérience réelle en gouvernance dès les balbutiements du parcours juridique.
Association professionnelle des avocates et avocats du Québec (APAAQ)
Moins connue, mais ayant un rôle très important, il existe également l’APAAQ. Fondée en 2019, elle a pour mission de défendre et promouvoir les intérêts professionnels et socio-économiques des membres du Barreau du Québec. Ne relevant pas du Barreau du Québec, l’APAAQ n’a pas pour mission la protection du public, mais a plutôt un rôle se déclinant en plusieurs volets. À savoir, notamment : représenter les membres du Barreau dans le cadre de négociation de tarif ou d’honoraires payables; promouvoir la pratique du droit en région autre que les grands centres que sont Montréal et Québec; assister des membres du Barreau dans leurs relations avec le Syndic; appuyer les associations spécifiques par champs de pratique dans leur revendication ou représentation auprès du gouvernement, valoriser la profession et bien plus.
Exercer sa profession… en dehors de la Belle Province
Il est de connaissance d’office que le permis d’exercice délivré par le Barreau du Québec ne permet de pratique que dans les limites géographiques de la province. Mais qu’en est-il des autres provinces canadiennes et des autres pays? Existe-t-il une manière de pratiquer la profession sans avoir à refaire sa scolarité en droit dans son entièreté? La réponse est positive, mais puisqu’il existe autant de processus qu’il y a de barreaux… nous nous en tiendrons à un bref survol quant à la mobilité professionnelle. Débutons ainsi par les provinces limitrophes, avant de se pencher vers l’international.
Notons d’entrée de jeu qu’en 2013, les Barreaux à travers le Canada avaient signé un nouvel Accord de libre circulation nationale qui avait pour but de permettre la mise en place « d’un système de mobilité complet pour les avocats canadiens en éliminant la barrière historique entre le Québec et les juridictions de Common Law »[1]. Ultimement, avec ce projet, les avocates et les avocats du Québec pouvaient devenir membres d’un barreau d’une autre province du Canada et inversement. Pour diverses raisons, cet accord n’a jamais été adopté par le gouvernement québécois et les dispositions légales touchées n’ont jamais été amendées.
Ontario
Depuis peu, les membres du Barreau du Québec peuvent pratiquer le droit en Ontario au même titre que les avocates et les avocats des autres provinces canadiennes si certaines conditions sont respectées. Cette nouveauté permet un exercice temporaire de la profession, sans permission particulière, à l’intérieur d’un nombre de jours donnés dans une année et une demande de prolongation est possible. Si une personne désire offrir toute la gamme de services juridiques en Ontario, elle peut alors effectuer une demande permanente de transfert en Ontario [2]. Précision que les personnes membres du Barreau du Québec devront préalablement se conformer aux conditions de l’Accord de libre circulation nationale, bien que celui-ci n'ait jamais réellement vu le jour au Québec. Pour celles et ceux détenant le titre de « conseiller juridique canadien » en Ontario, la gamme de services pouvant être offerte conformément aux règles en vigueur en sera alors augmentée.
Nouveau-Brunswick
Pour celles et ceux qui désirent pratiquer le droit dans la seule province bilingue au Canada, il existe une procédure pour l’admission à titre de « conseiller juridique canadien». En effet, il est possible pour les membres du Barreau du Québec d’effectuer une demande de certificat pour le devenir, conformément aux exigences liées à la demande d’admission (paragraphe 45.1 des Règles générales prises sous le régime de la Loi de 1996 sur le Barreau). La personne membre du Barreau du Québec désirant devenir conseillère ou conseiller au Nouveau-Brunswick doit tout d’abord continuer d’être membre en règle du Barreau du Québec. De plus, la conseillère ou le conseiller juridique canadien membre du Barreau du Québec ne peut exercer que dans les limites qui sont énoncées au paragraphe 45.2(1) des Règles générales prises sous le régime de la Loi de 1996 sur le Barreau[3].
États-Unis (New York)
Pour nos voisins du Sud, nous avons décidé d’aborder sommairement le Barreau d’un état bien connu et relativement populaire auprès des avocates et avocats du Québec. Ainsi, la personne membre du Barreau du Québec qui voudrait être inscrite au tableau de l’ordre new-yorkais doit réussir l’examen du New York Bar. Pour être exigible à compléter cet examen, certaines conditions d’admission sont requises, notamment la preuve d’une formation juridique d’une université reconnue, en plus de certaines autres exigences[4].
France
Pour celles et ceux qui voudraient pratiquer sur le vieux continent, une procédure simplifiée existe depuis 2009 en raison de l’Arrangement de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles conclu par le Barreau du Québec et le Conseil national des barreaux (ARM). Après avoir formulé une demande par écrit au Conseil national des barreaux (France), la personne inscrite au tableau de l’ordre québécois et titulaire d’un baccalauréat en droit, devra réaliser un examen de contrôle des connaissances qui est réalisé à l’oral, devant jury, et porte sur la réglementation et la déontologie[5]. Des formations préparatoires à l’évaluation sont accessibles, au choix.
Après ce tour d’horizon se pose la question à savoir quelle est la pertinence d’ajouter ces cordes à son arc. Cela peut être pertinent si une personne prévoit s’établir à l’étranger. Dans certains cas, un tel atout pourra permettre de distinguer sa candidature, mais les coûts qu’une telle formation représente sont à considérer (inscription, temps, cotisation par la suite). De plus, une telle décision devrait être dictée par le type de pratique afin de bien cibler le nouvel ordre professionnel à intégrer. Enfin, pour une pratique strictement locale, la valeur ajoutée est certainement moins grande[6]. À noter également que les grands cabinets privés ayant des places d’affaires ad mare usque ad mare ou à l’international, permettent et facilitent les relations professionnelles et le service de justiciables requérant des services touchant à deux ou plusieurs ordres juridiques. Dans un tel contexte, requérir un permis d’exercice d’une autre province s'avère donc moins impératif.
Conclusion
Nous espérons que vous serez maintenant en mesure de démêler les divers regroupements et diverses associations et, selon leurs rôles respectifs et ce qu’elles auront à vous offrir, identifier ce qui s’avèrera le plus pertinent éventuellement dans votre pratique.
Nous tenons à remercier Me Marie-Ève Prévost, membre du conseil d’administration de l’Association professionnelle des avocates et avocats du Québec (APAAQ), ainsi que Me Caroline Gagnon, bâtonnière de Québec, pour les renseignements qu’elles nous ont fournis nous ayant aidés à rédiger cet article.
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