« Octobre est le mois de l’histoire des femmes. Cette année, le thème est « Elle m’a ouvert la voie ». J’ai le goût de dire plutôt: « Elles m’ont ouvert la voie » car elles sont plusieurs.
Elles sont plusieurs et peu à la fois. Elles sont plusieurs à être extraordinaires, mais elles sont toujours minoritaires.
Elles sont exceptionnelles, et elles sont l’exception. Je parle des avocates en poste de pouvoir; les associées, les vice-présidentes et les « general counsels ». Au Québec, 32% des « associés » sont des femmes. Mais dans cette statistique, nous ne faisons pas la distinction entre les associés participants et les associés non participants. Elles sont si peu nombreuses à atteindre le titre d’associée en participation que certains édictent que ce n’est pas un plafond de verre dans le milieu juridique, mais plutôt un mur de brique…
Pourtant depuis la fin des années 1980, les étudiantes en droit ont atteint la parité au Canada. Elles représentent même plus de 60% des étudiants depuis plus de 10 ans! Et elles réussissent bien, très bien même. La voie est ouverte! Alors, pourquoi elles sont si peu à joindre les « rangs »?
La voie est ouverte, mais elles n’y roulent pas toutes à la même vitesse. Plusieurs études clament que les professionnelles gagnent environ 11% de moins que leurs collègues masculins. Au Canada, les avocates en contentieux gagnent effectivement 11% de moins que les avocats, pour les mêmes rôles. En pratique privée, l’écart serait encore plus grand, mais les données ne sont pas disponibles pour l’établir. L’année dernière, le Globe and Mail a contacté de nombreux cabinets d’avocats. Seuls deux cabinets ont accepté de partager leurs données. Ces données ont révélé que les associées gagnaient 25% de moins que leurs collègues masculins. Cet écart de 25% équivaut en moyenne à une différence de 372 000$ par année... Au Québec, parmi les avocats gagnant un revenu annuel de 200 000$ et plus, 80% sont des hommes.
En mars dernier, le Forum des femmes juristes de l’Association du Barreau canadien a publié un rapport sur l’équité salariale dans la profession juridique lequel fait état de quatre principaux facteurs pouvant contribuer à l’iniquité salariale : le manque de transparence quant à la rémunération, la maternité (voire même la possibilité de la maternité), distribution inéquitable des dossiers et la non-reconnaissance de leurs contributions non facturables.
« Elles m’ont ouvert la voie », mais il y a encore beaucoup de « chemin » à faire. »
Par Me Suzie Lanthier, présidente du Forum des femmes juristes de l’ABC-Québec et associée au cabinet Gowling WLG
Sources :
L’équité salariale dans la profession juridique, Forum des avocates, 2022 https://www.cba.org/getattachment/Sections/Women-Lawyers/Resources/Resources/2022/Pay-Equity-in-the-Legal-Profession/CBA-WLFPayEquityReportFrench.pdf,
Barreau-mètre 2022 du Barreau du Québec (https://www.barreau.qc.ca/media/3089/barreau-metre-2022.pdf), American Bar Association, In Their Own Words: Experienced Women Lawyers Explain Why They are Leaving Their Law Firms and the Profession, 2021 (https://www.americanbar.org/content/dam/aba/administrative/women/intheirownwords-f-4-19-21-final.pdf), Robyn Doolitlle, “Wage gap between male, female equity partners at top law firm averages $371,596” (https://www.theglobeandmail.com/canada/article-wage-gap-between-male-female-equity-partners-at-top-law-firm-averages/)
Association canadienne des conseillers juridiques d’entreprises et The Counsel Network, Sondage 2020 sur la rémunération des conseillers et conseillères juridiques d’entreprise (https://www.ccca-accje.org/The-In-House-Edition/Archives/2020/2020-In-House-Counsel-Compensation-Survey-Average?lang=fr-ca)
Brian M. Mazer, "An Analysis of Gender in Admission to the Canadian Common Law Schools from 1985-86 to 1994-95" (1997) 20:1 Dal LJ 135.
Micheline Gleixner et Louise Aucoin, « Être juriste au féminin : une réalité émergente ou une quête illusoire? » (2014) 92-2 Revue du Barreau canadien 235, 2014 CanLIIDocs 137